La ligne d’horizon d’Echirolles, banlieue sud grenobloise, est marquée d’un fer jaune et noir : le sigle du constructeur d’engins de chantier Caterpillar, peint sur le château d’eau accolé à l’usine. Un totem visible de toute la ville, devenu l’un des symboles des violentes luttes qui, comme celles des Continental de Clairoix, ont marqué l’histoire sociale de la France sous Sarkozy.
Galère. Ce quinquennat avait pour eux mal commencé avec, dès 2007, des mesures de chômage partiel imposées par leur direction. Premiers endettements pour de nombreux ouvriers qui ont perdu jusqu’à 30% de leur salaire. Premières désillusions sur l’augmentation promise du pouvoir d’achat. Les slogans répétés de visite d’usine en visite d’usine durant la présidentielle sont vite apparus à mille lieux de la réalité de ces ouvriers. «Les gens ici n’avaient pas forcément cru à ce que promettait Sarkozy, mais personne ne s’attendait à un tel recul social. En un rien de temps, des familles se sont retrouvées dans des situations catastrophiques», raconte Nicolas Benoît, délégué syndical CGT chez Caterpillar.
La colère des «Cater» a explosé au printemps 2009, lorsque le groupe américain a annoncé la suppression de 733 emplois sur les 2 700 du site. La faute à la crise, c’est-à-dire à personne. Les ouvriers ont bloqué l’usine, brûlé des pneus, séquestré les cadres dirigeants. Des mois de combat pour réduire à 600 le nombre de départs. Pour qu’à peine un an plus tard, l’usine réembauche à nouveau… des intérimaires et des CDD. Sur les 600 licenciés, seul un tiers a retrouvé des situations stables (CDI, création d’activité ou retraite). Nicolas Benoît, qui a suivi les parcours, raconte l’inextricable galère des autres, «confrontés à un système de plus en plus inefficace». Il explique qu’ils ont pu mesurer «la contre-efficacité des mesures du gouvernement». Et cite la création de Pôle Emploi, fusion de l’ANPE et de l’Assédic. «C’est la politique du chiffre. Qui consiste non pas à orienter les demandeurs, mais à en radier le plus possible.»
Nicolas Benoît, délégué CGT chez Caterpilar (Sébatien Erome/Signatures)
«Misère». Parmi les 600 licenciés, ceux qui ont retrouvé du travail via Pôle Emploi se comptent sur les doigts de la main. Le syndicaliste a le sentiment que toutes les mesures et les politiques ont été menées en oubliant la question centrale, «celle des salaires et du pouvoir d’achat». Chez Caterpillar, les ouvriers sont désormais soumis aux heures supplémentaires imposées, le soir et le samedi. Un ouvrier est venu expliquer à sa hiérarchie qu’il n’avait pas les moyens de venir en dehors des horaires de transports en commun, parce que l’essence lui coûtait trop cher. Un autre, dont la femme travaille le samedi, ne peut pas s’offrir de garde d’enfants le week-end. «On ne voit pas que les gens qui travaillent n’ont plus les moyens de travailler. On leur demande de se partager de la misère», dit Benoît. Pour lui, la colère est davantage contre «le système» que contre Sarkozy. «Ce qu’on a vu ces dernières années, c’est la décrédibilisation des politiques. On les regarde partir en vacances dans leurs avions et ils sont incapables de rien pour nous. Il faut se débrouiller.» Chez Caterpillar, la CGT a mis en place une caisse de solidarité. Les dossiers s’empilent. Ils sont nombreux à s’être endettés dès les premières mesures de chômage partiel. «Je vois des salariés à qui il reste 400 euros par mois pour faire vivre leur famille.»
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