Les drapeaux du PS, du PCF, de Lutte ouvrière, d'Europe Écologie/les Verts, de la FSU, la CGT ou encore de Solidaires flottent au-dessus d’une cinquantaine de personnes attroupées devant le tribunal de Paris. Ils tendent l’oreille, écoutent leur ami Gérard Filoche, ancien inspecteur du travail et toujours membre du bureau national du PS, dire sa «stupéfaction» de se retrouver là, aujourd'hui, accusé.
«Le patron a déjà gagné: il n’a pas de comité d’établissement, pas de délégué syndical et c’est l’inspecteur du travail qui est traîné en justice.» Il est amer, ému aussi. Dans quelques minutes s’ouvre son procès à la 31e chambre correctionnelle.
Sur le parvis, la défense s’organise. Tous dénoncent «une criminalisation sociale» grimpante, citant le procès du leader CGT des salariés de Continental pour refus de se soumettre à un prélèvement ADN ou celui des seize postiers, dont Olivier Besancenot, poursuivis pour «séquestration» après occupation de la poste de Nanterre en mai 2010. «Ce n’est pas seulement le procès Filoche, c’est le procès de l’inspection du travail», lance Benoît Hamon, porte-parole du PS. «C’est le procès de la résistance au démantèlement du code du travail», poursuit-il. Il dira sa solidarité à l'inspecteur en témoignant à la barre.
Pour Alain Vidalies, secrétaire national au travail et à l’emploi au PS, ce procès est «symbolique»: «La justice doit être du côté de ceux qui protègent la loi.» Le procès «n'a aucun sens juridique, il est donc politique. C'est un règlement de comptes avec quelqu'un qui dérange», poursuit-il. «Inspection relaxée!», scandent-ils en rejoignant la salle d'audience, la pétition aux 38.000 signatures sous le bras.
L’inspecteur du travail, aujourd’hui à la retraite, est poursuivi pour «entrave au comité d’établissement Guinot», un laboratoire parisien de cosmétiques haut de gamme. Gérard Filoche aurait perturbé le bon fonctionnement du CE, réuni le 23 juillet 2004 pour donner un avis préalable au licenciement de Nassera F. La jeune femme a six ans d’ancienneté chez Guinot, en tant que cadre commerciale chargée de l’export vers les pays du Moyen-Orient.
Au retour de son congé maternité, en mai 2003, elle n’a plus ni bureau, ni ordinateur et se voit affectée à l’Amérique du Sud et au Pacifique. Discriminée, placardisée, elle se tourne vers l’inspection du travail. Gérard Filoche lui conseille de faire appel à son délégué du personnel, son CE… Problème: bien qu'obligatoires pour les entreprises de plus de 50 salariés depuis la loi de 1974, ces instances sont inexistantes chez Guinot et ses 175 salariés.
«J'avais déjà eu une dizaine de salariés se plaignant d'heures sup' non rémunérées qu'ils appelaient entre eux les “heures philanthropiques”», explique Filoche. Sur son conseil, Nassera F. devient déléguée syndicale CGT, crée un CE et bénéficie alors du statut de salariée protégée. De fait, l'employeur ne peut la licencier sans autorisation de l'inspection du travail.
La première demande de licenciement est formulée en juillet 2003.
via www.mediapart.fr