« Dracula l’Immortel », la rencontre mystérieuse et remarquable entre l’Histoire et l’histoire, note 1

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Dans l'Histoire de la parole, il y a les mythes, et la littérature, les récits personnalisés, et il est rarissime qu'un conteur parvienne à créer une figure et une histoire qui deviennent un mythe. C'est ce qui s'est passé avec Bram Stoker, et il est bien connu qu'il n'a pu connaître et profiter du succès de son livre, étant décédé à un moment où son oeuvre n'était pas lue. Dans une "note des auteurs" qui accompagne le livre "Dracula l'Immortel", Dacre Stoker et Ian Holt qui se sont associés pour écrire une suite au roman original, rappelle l'histoire du manuscrit, de son succès, de son exploitation hollywoodienne sans le paiement de droits à la famille et expliquent pourquoi et comment ils en sont venus, après leur rencontre, à travailler à cette suite. "Dracula l'Immortel" n'est pas la suite de "Dracula", que seule Bram Stoker aurait pu écrire. Un siècle après sa rédaction et sa parution, il n'était pas possible, alors que les formes de la prose ont considérablement évolué (assouplies, mélangées), que l'interpénétration d'une parole orale populaire et d'une parole écrite populaire et savante a augmenté, d'avoir une suite qui soit écrite dans le style du Stoker de la fin du 19ème siècle. Une telle suite aurait été techniquement possible, mais aurait constituée une imitation artificielle et possiblement ridicule. Dans "Dracula l'Immortel", il y a des phrases courtes, par exemple, qui, à l'époque de Stoker, étaient inimaginables, sauf pour l'encadrement des dialogues. Mais Dacre Stoker et Ian Holt ne se sont pas restreints à écrire et proposer une suite, un prolongement narratif simple à partir de la fin du "Dracula", mais ils ont osé créer une suite qui soit totalement originale, et qui est, philosophiquement et spirituellement, absolument pertinente. Car les deux auteurs ont remarqué que la rédaction du livre de Stoker s'est faite dans une période où un Mal criminel se révélait, aux yeux du monde (les crimes de Jack l'Eventreur), et nous pourrions ajouter personnellement, se révélait par une naissance avant de se révéler aux yeux du monde, avec la naissance du bébé Adolf Hitler. Dacre Stoker et Ian Holt ont donc décidé de LIER L'HISTOIRE, la GRANDE, celle des peuples, avec l'hISTOIRE, le récit de Stoker, et cet entrecroisement est à notre avis l'une des formes nouvelles et d'avenir de la narration. Le résultat de ce travail est un roman passionnant, nouveau, surprenant, ORIGINAL ! puisque même Bram Stoker se retrouve au sein même du récit…

DRACULALIMMORTEL


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Vladimir Kergan
15 années il y a

En général je suis assez dubitatif face à ce genre de réécritures, même si certains exemples du genre (Anno Dracula de Kim Newman en tête) on su conquérir mon attention de lecteur.
Dracula l’immortel est davantage pour moi un roman de gare qu’une suite ou une variation digne de ce nom sur le roman de Bram Stoker. plus de100 ans se sont certes écoulés depuis la parution de Dracula, mais les auteurs dénaturent ici trop à la fois l’ambiance (adieu l’atmosphère victorienne si pesante de Stoker) et le style narratif (adieu le côté épistolaire). L’intrigue est vraiment trop axé sur certains aspects sensationnels, sur l’intervention de nouveaux personnages pas franchement originaux (Bathory en tête), l’ensemble partageant dès lors plus de choses avec L’historienne et Drakula pour son côté Dan Brownesque. Et que dire de l’introduction, qui résume le Dracula original de manière on ne peut plus lourde et condensée ?
Il est louable, d’une certaine façon, que l’auteur ait cherché à relier à nouveau aux Stoker le nom du personnage, qui leur a été repris par le cinéma. Et je ne nie pas avoir lu sans trop de me forcer ce roman, qui permet malgré tout de passer un moment de lecture agréable. Mais son statut de suite officielle est pour moi complètement galvaudé http://blog.vampirisme.com/vampire/?583-stoker-holt-dracula-immortel

grellety
grellety
15 années il y a

Est-ce une suite officielle ? En un sens, par rapport à la famille Stoker. Toutefois, la famille Stoker, ce n’est pas Bram Stoker lui-même. Lui seul aurait pu écrire une « suite officielle ». La famille Stoker a hérité d’un monument. Dacre Stoker la connait très bien, comme Ian Holt. Ils ont ensemble essayé d’écrire une suite, et, d’un point de vue narratif, c’en est une, mais ils n’ont pas essayé de copier Bram Stoker, et, en effet, nous sommes loin du style « victorien », mais aussi des considérations philosophiques et spirituelles de Stoker, en apparence… En apparence, car il me semble qu’ils ont bien compris quelques messages « occultes » de Stoker, et qu’ils ont su faire une oeuvre et nouvelle et fidèle à ces messages.
Allons en gare, regardons les romans qui s’y trouvent et comparons les à ce livre – avec ceux de Marc Levy, et autres ! Après, écrire une livre après une oeuvre pareille, c’est une mission difficile, et ils l’ont brillament relevé sans pouvoir atteindre au chef d’oeuvre. Faire intervenir Bathory, c’est, à mon avis, au contraire, un coup génial, étant donné son caractère HISTORIQUE, sa proximité en tant que Hongroise avec le Roumain Dracula, et par le sens même de sa vie, symbole de la modernité (lutter contre le vieillissement, quand Dracula lui est d’ores et déjà « immortel », mais à quel prix).

Vladkergan
Vladkergan
15 années il y a

Sauf que pour que l’intervention de Bathory tienne du coup de génie, il aurait fallu (amha) qu’ils soient les premier à la faire intervenir dans ce cadre-là, ce qui est très loin d’être le cas (Francoise-Sylvie Pauly dans l’invitée de Dracula la fait intervenir de manière bien plus originale et sans gros sabots).
Peut-être, aussi, à force de lire exclusivement des livres sur le sujet vampire, suis-je devenu beaucoup plus difficile à surprendre et à captiver, surtout quand il s’agit de proposer des pastiches ou des suites à un des trois textes narratifs fondateurs du genre en littérature.

grellety
grellety
15 années il y a

Lorsqu’il s’agit d’une oeuvre créatrice d’un mythe, il y a toujours des puristes, de prétendus « gardiens du temple » pour, sans être les héritiers familiaux ou spirituels reconnus par l’aueur, entendent interdire tout ajout, prolongement, au nom d’une perfection inégalable et donc de la menace d’une perdition de la valeur. Sentiment et pensée largement économiques, dans cette affaire « Dracula », si déterminants. Et puis il y a celles et ceux qui, précisément, pour des intérêts économiques, se disent qu’il faut continuer, exploiter le filon. Mais il y a aussi le fait que, accepter de laisser les personnages et les situations, tels quels, c’est accepter leur « mort », ce qui, dans le cas de ce vampire s’immortalisant, est problématique… Pour des lectrices, des lecteurs, cette fin de l’oeuvre est aussi une perte – les personnages disparaissent, c’est donc stricto sensu la mort (par exemple pour les personnages de « Malevil », de Robert Merle). Si la vie, dont la force est fondée sur la vie de ce sang qui s’écoule dans nos veines sans couler hors de nos veines, tant que nous sommes en vie, si la vie nous est si précieuse, pour nous et nos amis, alors il FALLAIT redonner vie aux personnages, c’est de la « philia ». Après, la manière de leur redonner vie est forcément discutable. Elle l’aurait été moins si le processus de création avait été long et collectif, comme dans le cas de ces « reconstitutions historiques » novatrices à partir d’un point de divergence, les nouvelles uchronies.
http://www.liberation.fr/culture/0101639129-si-petain-etait-mort-en-1940
Après avoir vécu dans la « religion de l’Histoire factuelle », et dans le fatalisme, notre époque est en train de se souvenir que les chemins de l’Histoire et du temps dépendent de décisions et d’évènements imprévus, de chocs inattendus et que donc NOUS AVONS NECESSAIREMENT UN AVENIR OUVERT, malgré ce que certains tentent de nous faire croire sur une réalité omnidéterminée. Dans le cas du livre de Dacre Stoker et de Ian Holt, je redis que le coup de génie a été de faire ce lien entre
Histoire et histoire, et qu’il faut bien avoir à quel point la fin du 19ème et du 20ème mériterait d’être qualifiée d’époque des ténèbres (malgré la fée électricité), si l’usage des métaphores n’était précisément pas un problème décisif pour la pensée et la conscience. Donc si nous voulons laisser de côté cette détermination de l’époque par une image du manichéisme, il faut constater que, au moment où la civilisation europénne triomphe partout par le colonialisme et donc par le prolongement de l’esclavagisme, et ce dans une extension planétaire, l’usage des corps à des fins personnels, capricieuses, relève donc à la fois d’une politique planétaire, du développement d’une nouvelle médecine « experte » qui ouvre les cadavres et examine par prélèvement, d’une militarisation qui prépare l’explosion des corps, leur déchiquetement façon puzzle. Et il est remarquable que, alors qu’il y avait en Europe et en Angleterre, au moment où Jack l’Eventreur sévissait, des hommes qualifiés par les prétendus « civilisés » de sauvages, qui n’ont pas été accusés de ces crimes, alors qu’ils avaient le profil prétendument cannibalesque pour les faire, et donc que chacun ait eu conscience que le monstre était d’ici, venait d’eux-mêmes. Dacre Stoker et Ian Holt ont eu l’intelligence de laisser des indices de cette compréhension du vampire-aristocrate, animée par une « volonté de puissance » unique : l’immortalité, par le développement de ses pouvoirs.

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