Il était à peu près 14h00 à Tunis, juste en face du ministère de l'intérieur, quand la manifestation pacifique et relativement familiale de vendredi a basculé, et la Tunisie aussi. Les gens erraient sans but, certains ébahis de pouvoir se retrouver ainsi pour exprimer une opinion politique, d'autres plus véhéments, criant "Ben Ali, dégage !", "Qu'il s'en aille !" ou brandissant quelques rares pancartes écrites à la main avec des slogans en arabe, en français ou en anglais : "Rendez-nous notre argent" "Trabelsi corrompus !", "Freedom".
Dans la manifestation vendredi à Tunis© (Thomas Cantaloube)
Quelques personnes tendent à bout de bras des photos des morts de ces derniers jours. Et puis, par moments, fusent des chants de l'hymne national tunisien.
En quelques heures, la foule a grossi de quelques centaines de personnes à plusieurs milliers, de quoi occuper toute l'artère centrale de la capitale tunisienne, l'avenue Habib-Bourguiba. Même si la plupart des manifestants sont relativement jeunes, il y a des familles, quelques personnes âgées, des jeunes couples. Un groupe de quatre jeunes diplômés ne peut plus s'arrêter de parler, comme un torrent trop longtemps contenu par un barrage qui vient de rompre.
Tout y passe : l'extraordinaire corruption des gouvernants, l'absence de perspective pour les jeunes, le manque de liberté, la détestation de la belle-famille du président, les Trabelsi, le rôle de la France… Quelques jeunes types s'enhardissent à grimper sur l'auvent du ministère pour brandir le drapeau tunisien et le faire flotter au vent.
via www.mediapart.fr
