« Des gens debout « , docu sur les Molex : « Au fond, on a plié » | Eco89

Le premier week-end de décembre 2010, une bonne part des 283 salariés de l'équipementier automobile cédé fin 2003 par la SNCEMA (propriété de l'Etat) au groupe américain Molex Inc. a découvert les images filmées à leurs côtés durant près d'une année.

Lorsque José Alcala entame son tournage, les Molex fêtent la Saint-Sylvestre devant le portail de leur usine. Trois mois plus tôt, en octobre 2008, leur employeur américain leur a annoncé la liquidation des chaînes de production. Officiellement, à cause de la crise économique.

Pourtant, peu avant le séisme, les Molex avaient été réunis pour s'entendre vanter leurs bonnes performances sur ce site rentable : avec 1,2 million d'euros de bénéfices nets pour 40 millions de chiffre d'affaires, l'avenir est loin d'être blème lorsque la firme américaine songe à délocaliser à l'Est.

Les Molex se mobilisent, Alcala les suit au tribunal, où la justice française n'aura de cesse de leur donner raison au détriment de l'industriel américain qui passe en force. Il les filme encore à Bercy dans les rencontres avec Christian Estrosi, alors ministre de l'Industrie.

Ou encore à l'entrée de l'usine, quand ils finissent par faire grève après déjà neuf mois de conflit : les salariés viennent d'apprendre que Molex Inc. a dupliqué une partie des brevets et de l'outillage développés par les techniciens de Villemur puis ouvert une usine outre-Atlantique pour y déplacer la production. Ils tentent de bloquer les camions qui exfiltrent les machines performantes. En vain.

Début décembre, j'ai passé deux jours avec certains anciens de chez Molex, qui voyaient pour la première fois leur lutte en images dans le cinéma de la petite ville de 5 500 habitants. J'accompagnais un groupe d'universitaires du laboratoire de recherche en sciences sociales de Sciences-Po Toulouse qui suit depuis dix-huit mois la mobilisation, traitement médiatique et formes de la lutte compris.

« Ça ne devrait pas s'appeler comme ça »

Guy Pavan était délégué syndical CGT chez Molex. Il travaillait depuis plus de vingt ans sur le site. C'est une figure de la lutte, un protagoniste du film de José Alcala. A la fois charismatique et très pudique, plutôt triste au fond, vite attachant. Juste avant la projection, il disait au sujet du titre :

« Ça s'appelle “Des gens debout” mais en réalité on a plié. Ça ne devrait pas s'appeler comme ça. Bien sûr, c'est une tranche de vie, donc il y a forcément un moment où tu es debout. Mais au fond, on a plié. On a perdu. »

Regarder le film reste une épreuve pour lui. A l'écran, on le voit s'étrangler sur les bords de la Garonne, lorsqu'il réalise, en larmes, que la liquidation était orchestrée de longue date. Incrédulité, écœurement.

En septembre 2009, José Alcala est encore là quand tout s'arrête : l'intersyndicale se fissure, une majorité de salariés vote le PSE (plan de sauvegarde de l'emploi) aux conditions de l'Américain. Molex Inc. vient de gagner le bras de fer. Quelqu'un déclenche la sirène, variante industrielle du tocsin, Guy Pavan croit un instant, à tort, qu'on trouve à se réjouir. A l'écran, il semble complètement perdu.

A l'issue de la projection, tout le monde communie sur la grande dignité des salariés, mais lui a plutôt regardé le film d'une défaite :

« Ça raconte surtout qu'on s'est fait bouffer syndicalement. »

Une lutte exemplaire contre les « patrons voyous »

Juste avant que le noir ne se fas

via eco.rue89.com

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