D’Eric Zemmour à Richard Millet, les éditeurs cultivent une certaine idée du rance | Mediapart

«Après une longue période d'indifférence, de méfiance, voire d'hostilité envers tout ce qui relève de la nation, les écrivains français reparlent de la France. L'actualité éditoriale témoigne de cette évolution ou, faudrait-il dire, de cette involution.» Telle était l'introduction de l'émission Répliques du samedi 11 juin où Alain Finkielkraut recevait l'essayiste et écrivain, Jean-Christophe Bailly, et l'auteur et éditeur, Richard Millet (l'émission est à écouter ici).

Ce matin-là, les auditeurs de France Culture ont certes entendu parler de la France, mais d'une certaine France, celle que Richard Millet, venu présenter son dernier livre, Fatigue du sens (Éd. Pierre-Guillaume de Roux), a d'entrée qualifié de «drame». Pendant près d'une heure, l'éditeur de Gallimard, à qui l'on doit notamment Les Bienveillantes de Jonathan Littell (Grand Prix du roman de l’Académie française et prix Goncourt 2006), s'est surtout appliqué à livrer sa vision toute personnelle des banlieues et de l'immigration, face à un Alain Finkielkraut acquis à sa cause et à un Jean-Christophe Bailly qui se démenait tant bien que mal pour éviter les amalgames :

«Je vis, lorsque je suis en ville, notamment dans des espaces comme le RER, dans une situation d'apartheid volontaire, je m'exclus moi-même d'un territoire et de groupements humains où je ne me sens plus moi-même. (…) Parce que quand je suis le seul Blanc, ça me pose de telles questions que je ne peux que m'exclure. Je n'ai pas de réponse à ça. Et quand cette population dans laquelle je me trouve est fortement maghrébine, alors là je suis encore moins…», expliquait ce samedi-là Richard Millet avant de lâcher quelques minutes plus tard : «Quelqu'un qui à la troisième génération continue à s'appeler Mohammed quelque-chose, pour moi, ne peut pas être français» (lire sous l'onglet «Prolonger», des citations de son dernier livre).

Au malaise manifeste de Jean-Christophe Bailly répondait l'absence de réaction d'Alain Finkielkraut qui, au contraire, alimentait la conversation de ses marottes habituelles : le foot ou encore le «parler banlieue» qui appauvrit «la langue, la culture, et donc la tradition française». Le tout sans manquer d'attaquer au passage «la presse de qualité» qui exerce une «omerta» sur «la violence diffuse qui s'installe en France», avant de conclure sur le thème de la prochaine émission : «Faut-il être catastrophiste ?».

Les propos tenus par Richard Millet sur France Culture ne sont presque rien au regard des quelque 150 pages de Fatigue du sens (quelques extraits explicites sont à lire sous l'onglet «Prolonger»), au fil desquelles l'auteur s'emploie à développer à grand renfort d'exemples personnels «le dégoût que (lui) inspirent le genre humain et la masse», et en particulier les «apôtres du Nouvel Ordre moral» et autres «histrions du Bien» qui ont fait «de l'autre, de l'étranger, de l'immigré (…) la figure même de l'innocence». Écrivant préférer l'expression «Français de sang» à celle de «Français de souche», Richard Millet définit l'immigration comme «une guerre civile innommée». Ni plus ni moins.

Truffé de formules du genre, Fatigue du sens s'inscrit dans la parfaite lignée d'un précédent texte de Richard Millet, L'Opprobre : essai de démonologie (Éd. Gallimard, 2008), paru dans la célèbre collection Blanche pour laquelle il travaille en qualité d'éditeu

via www.mediapart.fr

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