LibérationNous étions au Bourget le 22 janvier 2012. Comme des millions d’autres ce soir-là – nous ne sommes ni malentendant ni mal comprenant -, nous avons entendu ceci : «Mon véritable adversaire n’a pas de nom, pas de visage, pas de parti. Il ne présentera jamais sa candidature. Il ne sera donc pas élu et pourtant, il gouverne. Cet adversaire, c’est le monde de la finance.» François Hollande, dans ce qui fut pour beaucoup un discours fondateur, ajoutait : «Maîtriser la finance commencera ici par le vote d’une loi sur les banques qui les obligera à séparer leurs activités de crédit de leurs opérations spéculatives.» Cette proposition est en 7e position dans son programme. Et elle est vigoureuse.
Une année s’est écoulée et le projet de loi sur la séparation des banques sera discuté en février au Parlement. Pourtant, cette promesse symbolique ne sera pas tenue. Le texte de loi présenté n’est pas à la hauteur. Loin de là. Ni sur le contenu ni sur les méthodes employées pour l’élaborer. La vigueur s’est transformée en rachitisme. Il ne faut pas montrer ses muscles quand on n’a que la peau sur les os.
Le contenu d’abord. Rien dans ce projet de loi présenté en Conseil des ministres avant Noël n’oblige en effet les banques à séparer leurs activités. Il propose tout juste de filialiser les banques de dépôts et les banques d’affaires. Et seulement 1% des activités financières seront cantonnées dans une filiale de l’aveu même de Frédéric Oudéa, PDG de la Société générale, auditionné le 30 janvier devant la commission des finances de l’Assemblée nationale. 99% des activités les plus dangereuses continueront d’être couvertes par l’Etat en cas de défaillance et donc de menacer les dépôts des Français et notre économie. Nous sommes loin du Bourget.
La filialisation ne règle rien, elle n’empêche pas une maison mère d’être mise en difficulté par la faillite d’une de ses filiales, un étudiant en première année d’économie sait cela. L’exemple d’AIG en 2008 en a fait la démonstration : 116 000 employés d’un côté, coulés par une microfiliale (350 employés) qui avait accumulé suffisamment de risques (1 600 milliards de dollars) pour faire chuter l’ensemble du groupe. Le premier assureur mondial a été sauvé in extremis par le gouvernement américain – c’est-à-dire le contribuable – afin d’éviter l’effondrement du système tout entier. Chez nous, les quatre banques universelles françaises – BNP – Paribas, Société générale, Crédit agricole et Natixis – vantent leurs solidités avec un argument aussi hypocrite que : «Nous sommes trop grosses pour nous effondrer !» (too big to fail). C’est vrai, mais au prix d’un chantage perfide : si on s’effondre, tout s’effondre, donc… on ne peut pas s’effondrer. Comprenez : vous n’avez pas intérêt à nous laisser tomber sinon, les contribuables vont perdre toutes leurs économies.
Autre chantage : «Si vous séparez les activités, nous fermerons des agences, il y aura des chômeurs en plus.» Ah bon ? L’activité des banques de dépôt va augmenter et vous allez fermer des agences ? Nous pensons au contraire qu’il faudra embaucher des banquiers pour booster l’activité de crédit aux PME, aux ménages, étudier les dossiers, les faire avancer, grandir, les refuser aussi parfois, bref : faire un vrai travail utile, visible, critiquable ou admirable.
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