Daniel Lebègue : «La démocratie française est malade» – Libération

Alors que les affaires Bourgi, Karachi et Guérini font la une de l'actualité, vous avez lancé hier la campagne «Avec la transparence, la démocratie avance». Cela va-t-il vous rendre plus audible?

C'est en tout cas une coïncidence. Nous avions décidé de lancer notre campagne au moment de la primaire socialiste pour mettre à l'agenda public ces questions d'éthique, d'intégrité et de transparence. Les affaires que vous évoquez offrent des opportunités de poser des questions précises, de pousser dans leurs retranchements des candidats et des dirigeants. Mais je ne me réjouis pas car tout ça est assez nauséeux et peut avoir un effet très négatif tant la démocratie française est malade.

De quel mal souffre-t-elle?

Le niveau de défiance de nos concitoyens envers leurs représentants et envers l'action publique atteint un niveau inégalé. Cela est très inquétant car ça nourrit une forme d'écœurement favorable à tous les extrémismes tenant le discours du «tous pourris». Il y a là un risque pour la démocratie.

D'où votre campagne…

Nous considérons que les élections présidentielle et législatives de 2012 seront des moments privilégiés pour provoquer un sursaut citoyen et démocratique. Mais ce sursaut ne viendra pas de déclarations de principe ou de promesses. Non seulement les Français n'y croient plus, mais ils n'entendent même plus la parole publique. C'est tout à fait stupéfiant.

Le candidat Nicolas Sarkozy avait pourtant promis une «République irréprochable» durant la campagne de 2007…

Si on repart sur ce genre de promesse, on va aggraver la crise. Il faut que nos plus hauts dirigeants s'engagent sur des mesures précises qui seront rendues publiques et dont nos concitoyens seront du coup les gardiens. Nous nous engageons pour notre part à en assurer un suivi très exigeant.

Vous leur proposez donc une sorte de pacte éthique sur le modèle du «pacte écologique» de Nicolas Hulot en 2007 ?

C'est tout à fait la même démarche: un engagement à mettre en œuvre un certain nombre de mesures précises, à l'image de la taxe écologique, et derrière un contrôle citoyen. L'enjeu majeur, c'est le réinvestissement des citoyens dans la prise de décision publique et dans son contrôle.

Parmi vos sept propositions concrètes, il y a la création d'un «super procureur » pour assurer «l'indépendance de la justice». De quoi s‘agit-il ?

Il s'agirait d'un procureur général de la République qui serait à la tête de tous les parquetiers de France. Cela permettrait de couper le lien entre le politique – via le garde des Sceaux — et le parquet. L'objectif est de reconstituer, je dis bien reconstituer, en France un système judiciaire conforme aux principes fondamentaux d'un Etat de droit. Nommé en conseil des ministres après adoption par une majorité qualifiée des 3/5e des parlementaires, il aurait un seul mandat de cinq ans, non révocable.

Son rôle serait d'assurer l'étanchéité entre le pouvoir exécutif et les juges, sans laquelle il ne peut y avoir d'indépendance de la justice. Le gouvernement définit bien sûr la politique pénale et judiciaire, mais il n'est pas normal que le suivi et le compte-rendu des affaires se fasse au pouvoir politique.

via www.liberation.fr

0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Translate »
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x