Il y a 65 ans, l'extrême-droite européenne était à terre. Le fascisme italien était lapidé, dans la personne même de Mussolini. Le nazisme était écrasé par les bombes, suicidé avec Hitler, jugé et condamné à Nuremberg. En France, la collaboration pétainiste l'était également. Mais comme les épurations furent insuffisantes, ou pire encore, le conditionnement économique de ces régimes esclavagistes et criminels ne fut pas assez étudié et remis en cause. Et 65 ans plus tard en France, les droits sociaux fondamentaux peuvent être visés, attaqués, en tant que tels (cf. la déclaration de Denis Kessler en 2007), remis en cause, les uns après les autres. Et finalement, les écrans de fumée qui laissaient croire que le monde moderne naissait sur la disparition de l'Ancien Régime et de sa fondation féodale disparaissent petit à petit pour révéler une situation crue et brute : une minorité qui possède beaucoup ou tout, et une majorité qui est là pour les servir, à tous les sens du terme. D'un point de vue idéologique, cette minorité utilise un relais systématique dans tous les pays : l'extrême-droite. Par extrême-droite, j'entends désigner l'ensemble des mouvements et des personnes qui :
- communautarise, pratiquement et idéologiquement, sur le modèle-source de la noblesse;
- promeuvent le manichéisme dans une interprétation délirante, irrationnelle, de type ethnique (les bons untels contre les "méchants" ou vilains ou moins bons autres) ainsi que le culte de la force dans toutes ses déclinaisons)
- historiquement, se font les chantres de "l'identité nationale" ou "de la France" alors même qu'ils accomplissent des actes de trahison (cf. le cas Maurras et la collaboration entre 40 et 44)
- prétendent à une identité personnelle et collective certaine, permanente et substantielle (ils prétendent "être" français)
Or, dans la lutte historique contre le "spectre" du communisme, la propagande d'extrême-droite ET en faveur de l'extrême-droite (par des intellectuels, des journalistes) est devenue de plus en plus forte en France dans les années 70, avec le giscardisme hautement manipulatoire, et, malgré l'élection de socialistes en 81, s'est prolongée dans les années 80, via les médias privés, mais aussi une partie des médias d'Etat, pour s'installer durablement en France, jusqu'à l'aboutissement d'une majorité de droite-extrême droite au parlement, en 2007, avec la création d'un Ministère de l'Immigration, les expulsions, l'instrumentalisation des Roms. Et aux Etats-Unis, l'élection d'Obama a conduit l'extrême-droite républicaine à se révéler et s'incarner, en ouvrant les vannes d'une folie particulièrement inquiétante pour l'avenir.
Hélas, malgré l'approfondissement permanent de cette culture des différenciations et d'une haine, particulièrement forte avec des individus qui, selon leurs propres critères, sont plutôt des "dégénérés", malgré le fait que les peuples, les individus, les relations sociales, soient pollués par des termes et des sentiments fondés sur une débilité historiquement dépassée et définitivement condamnée, l'action sociale et intellectuelle contre cette bêtise-méchanceté d'extrême-droite continue d'être insuffisante, alors même que nous avons la nécessité d'en sortir, pour toutes les bonnes raisons du monde. C'est pourquoi ici sur "l'action littéraire", qui n'a jamais été et ne sera jamais une "action française", même en langue française, parce que l'action littéraire est par essence internationale, partagée dans et par une humanité qui est toujours à construire plutôt que fondatrice, les idées, références, sentiments de l'extrême-droite française, européenne et mondiale, vont faire l'objet d'un examen raisonné afin de les ramener à leur valeur d'origine, à savoir une petitesse, humaine, intellectuelle, morale.
