Comment le scandale Tapie a failli être étouffé | Mediapart

La mise en examen de Pierre Estoup pour « escroquerie en bande organisée » constitue un tournant dans la longue histoire du scandale Tapie. Car le soupçon qui pèse désormais sur l’un des trois arbitres qui ont alloué 403 millions d’euros d’argent public à Bernard Tapie, le 7 juillet 2008, a un caractère infamant et indique clairement ce que la justice s’applique désormais à établir : l'arbitrage aurait pu n’être en réalité qu’une grossière manipulation pour organiser un détournement d’argent public ; et une « bande organisée », ayant des complicités jusqu’à l’intérieur même de l’État, et peut-être même jusqu’à son sommet, aurait été à l’origine de cette stupéfiante manigance.

Il va donc falloir que la justice fasse son office. Qu’elle fasse le tri entre ceux qui, à l’intérieur même de l’État ou à l’extérieur, ont fait partie de cette possible bande d’escrocs et ceux qui, par couardise, courtisanerie ou parfois seulement manque de vigilance, ont laissé faire. Il n’empêche ! Sans attendre ces nouvelles avancées de la justice, on ne peut s’empêcher de se souvenir qu’il s’en est fallu d’un cheveu que l’affaire ne soit étouffée ; que cet ahurissant scandale au cœur de la République ne soit pas sanctionné. Et sur cela, sur ces dysfonctionnements en chaîne de la justice, sur ceux de l’administration fiscale, sur ceux, aussi, de la Cour des comptes, et aussi sur le comportement d’une bonne partie de la presse, tantôt indolente, tantôt sous le charme de Bernard Tapie, il faut dès à présent prendre le temps de s’attarder, car ils en disent long sur la nécrose qui ronge notre démocratie.

Le premier dysfonctionnement, celui de la justice, est assurément le plus choquant. Car il est le ressort principal du scandale : si cette possible et gigantesque escroquerie au détriment des contribuables a pu avoir lieu, c’est d’abord parce que la justice de la République a été entravée et qu’un tribunal privé a pu être convoqué pour avantager Bernard Tapie. Tout part de là ! Saisie du différend entre Bernard Tapie et le Consortium de réalisation (CDR – la structure publique où ont été cantonnés en 1995 les actifs douteux du Crédit lyonnais), la Cour de cassation avait en effet rendu en 2006 une décision qui était favorable au CDR – et donc aux contribuables – et défavorable à l’homme d’affaires. Ainsi il suffisait d’attendre que l’affaire vienne devant une Cour de renvoi pour qu’elle trouve son épilogue judiciaire. L’État avait tout à y gagner, et Bernard Tapie tout à y perdre.

via www.mediapart.fr

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