Du « champion national » type Alstom au cas social désespéré façon SNCM, quand un gouvernement français doit se confronter à la direction de la concurrence de la Commission européenne, c’est en général pour sauver une entreprise. Dans le cas du Crédit immobilier de France, c’est tout le contraire et c’est inédit. La direction du Trésor, qui gère le dossier dans l’indifférence manifeste ou avec la complicité du pouvoir politique, veut par tous les moyens rallier l’exécutif européen à la liquidation progressive – on dit « l’extinction » – de cette institution financière dont la vocation était de faciliter l’accession à la propriété immobilière des ménages modestes.
Le gouvernement français devrait transmettre à Bruxelles dans les prochains jours une « communication » sur la garantie financière que l’État français a apportée au CIF pour lui permettre de se refinancer et les conditions qui lui sont attachées, dont la principale est un plan de disparition progressive d’ici 2020. Avec à la clef des milliers de suppressions d’emplois et de graves incertitudes sur le sort réservé à une clientèle traditionnellement ignorée par les grands réseaux bancaires. Au moment où la construction de logements s'effondre.
Les documents consultés et les témoignages recueillis par Mediapart démontrent que le Trésor, qui a fait du CIF sa « chose », veut convaincre la Commission que l’extinction est la seule solution possible, qu’elle n’aura aucun impact sur le niveau de concurrence sur le marché français du crédit immobilier, que le CIF ne remplit aucune « mission sociale » spécifique qui pourrait justifier une tentative de sauvetage. Sous la houlette du très sarkozyste Ramon Fernandez, la nouvelle patronne du service du financement de l’économie, Delphine d’Amarzit, qui a servi dans quatre cabinets de ministres de droite (dont Nicolas S. soi-même, comme signalé ici), poursuit le travail de Hervé de Villeroché, parti à Washington, avec Corso Bavagnoli (ex du cabinet Fillon à Matignon) et Jérôme Reboul comme exécutants.
Ces documents, un épais rapport d’audit réalisé à la demande de la direction générale du CIF par le cabinet Deloitte et un plan détaillé de « résolution ordonnée » par une « gestion extinctive » (en français dans le texte), négociés avec le Trésor dans un « comité de suivi », ont été transmis dernièrement aux représentants du personnel, ultime formalité avant leur communication à la Commission européenne.
Le travail de Deloitte, daté du 8 mars 2013 et portant la mention « strictement confidentiel », confirme, en bloc et en détail, que le CIF est une entreprise saine, rentable, qui est
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