Lui au moins s'en est sorti. Licencié de l'usine Molex de Villemur-sur-Tarn, dont la fermeture avait fait la une des médias en 2009, Alexis Antoine a retrouvé un travail en mai 2011. Il travaille en intérim dans l'aéronautique, à Toulouse. Il faut faire la route matin et soir. Mais le salaire n'est pas mauvais. Et au bout, il pourrait décrocher un CDI.
Après le choc de la fermeture, annoncée sans crier gare par un patron voyou, Alexis a réussi à remonter la pente et à retrouver un emploi, grâce aux bons tuyaux d'un ami. Mais pour ses anciens collègues, «le tableau n'est pas brillant». Molex a fermé en octobre 2009. Sur 280 anciens salariés, 160 se retrouvent aujourd'hui «sur le carreau». «Et plus on avance dans le temps, moins le moral est bon», explique Alexis. Les droits au chômage s'épuisent peu à peu. «La grande majorité des gens ont 40-45 ans, ils se demandent vraiment ce qu'ils vont devenir, d'autant que les employeurs leur font comprendre avec insistance qu'ils sont déjà trop âgés pour être embauchés. Forcément, ça démoralise, et certains s'enfoncent un peu plus tous les jours.»
Pendant la crise, les plans sociaux dans l'industrie se sont succédé. Sans compter la destruction de centaines de milliers d'emplois dans l'intérim, et le recours toujours plus fréquent aux ruptures conventionnelles négociées de gré à gré avec l'employeur. Résultat: la crise a détruit 600.000 emplois. Le chômage a bondi, et continue d'augmenter. Fin août 2011, 4.148.000 Français recherchaient un emploi, en hausse de 4,3 sur un an. Le diagnostic est connu. Mais un phénomène reste largement ignoré: la hausse du chômage de longue durée, massive et continue depuis deux ans.
En juillet 2011, Pôle emploi recensait plus de 1,5 million de demandeurs d'emploi au chômage depuis plus d'un an. Un tel niveau n'avait pas été atteint depuis la fin des années 1990. 38,1% des chômeurs (c'est même 40% selon l'Insee) sont aujourd'hui dans ce cas – ce n'était "que" 30% début 2009. La progression sur un an est alarmante pour la catégorie "demandeurs d'emploi depuis deux à trois ans" (+25,6%), et "plus de 3 ans" (+19,8%). Un chiffre est révélateur de cet enkystement d'une partie des Français au chômage: l'ancienneté moyenne au chômage. Elle était de 391 jours en juillet 2008. En deux ans, elle a bondi. Elle est aujourd'hui de 455 jours, son niveau de 2001. Selon l'Insee, un demandeur d'emploi sur cinq est inscrit depuis plus de deux ans. Un sur dix depuis plus de trois ans…
Dans une étude récente, Pôle emploi englobe même dans la catégorie «chômeurs de longue durée» ceux qui ont été inscrits au moins un an au chômage dans les 18 derniers mois. Avec ce critère, 2,1 millions de demandeurs d'emploi sont considérés comme des chômeurs de longue durée. Un sur deux!
via www.mediapart.fr