De l’identité nationale, il fut le chantre, le héraut, jusqu’au gâtisme. Son parcours est emblématique, du destin des paradoxes vitaux, et de la prétention "patriotique", dans sa dérive linguistique dite "nationaliste", pour, in fine, servir les intérêts du "parti de l’étranger". Charles Maurras devient lui-même à partir de 1895-1896, c’est-à-dire un admirateur et un soutien de Maurice Barrès (l’auteur de "Le culte du moi", la trilogie du "roman de l’énergie nationale", avec "Les déracinés"). Si la vie et l’oeuvre de ce dernier ont été animées et construites sur des contradictions (l’antijudaïsme dans la dénonciation de Dreyfus, «Que Dreyfus ait trahi, je le conclus de sa race», et l’éloge des Juifs de France qu’il place, dans "les familles spirituelles de la France", aux côtés des autres familles), Maurras est un leader d’extrême-droite qui cumule, dans une cohérence tragique, les réactions et les haines contre une majorité de Français : contre "le" peuple qui a osé soutenir et porter la Révolution Française contre la royauté, contre les Juifs et particulièrement contre Dreyfus, … Pour se faire entendre, ce journaliste-écrivain fonde "l’Action française", revue et parti, duquel naîtra les Camelots du Roi, milice paramilitaire royaliste dont l’objet principal consistait à faire le coup de poing dans des situations de crise nationale, anticipation de ce que sera la Cagoule dans les années 30 au service de la synarchie. Son extrémisme est avéré, puisqu’il ose déclarer : "«Ce serait sans haine et sans crainte que je donnerais l’ordre de
répandre votre sang de chien si vous abusiez du pouvoir public pour
répandre du sang français répandu sous les balles et les couteaux des
bandits de Moscou que vous aimez », contre le Ministre Abraham Schrameck, ou contre Léon Blum, président du Conseil, dans L’Action française
du 15 mai 1936 : «C‘est en tant que juif qu’il faut voir, concevoir,
entendre, combattre et abattre le Blum. Ce dernier verbe paraîtra un
peu fort de café : je me hâte d’ajouter qu’il ne faudra abattre
physiquement Blum que le jour où sa politique nous aura amené la guerre
impie qu’il rêve contre nos compagnons d’armes italiens. Ce jour-là, il
est vrai, il ne faudra pas le manquer.» Il n’est jamais inquiété, jamais arrêté. Comme Barrès, Maurras passe pour être germanophobe, puisqu’il se veut nationaliste, mais lorsque le gouvernement de Vichy se met en place, il le soutient totalement. Comme de nombreux soutiens de ce régime de la collaboration active, Maurras prétendra qu’il soutenait, en fait, seulement et absolument Pétain, parce que celui-ci aurait joué un double jeu, pour "limiter la casse" avec les Allemands et pour en fait soutenir une logique de Résistance à long terme. Cette prétention et ce mensonge ne résistent pas devant les faits, les actes : le régime de Pétain a notamment crée la Milice, dirigé par Darnand, afin de faire poursuive, arrêter, torturer, et parfois assassiner les résistants, le gouvernement de Vichy, sous les ordres de Pétain, a collaboré au-delà de toute nécessité et de toute mesure, ce que les Nazis ont constaté, avoué et apprécié à de nombreuses reprises. Sous les ordres de Bousquet, la police française fut très active pour soutenir les Nazis dans de nombreuses opérations contre les Juifs et les Résistants (cf. ce travail sur Bousquet)
Maurras est emblématique de ces Français qui n’hésitent pas à prendre et à défendre "le parti de l’étranger", et dans son cas, de l’Allemagne nazie, contre les "mauvais Français", au nom même de… l’identité nationale. La matrice de cette trahison de long cours et d’une gravité extrême reste "l’affaire Dreyfus", pendant laquelle le Ministère de la Guerre, les dirigeants de l’armée française, et toute l’extrême-droite française, ont préféré soutenir le Comte Esterhazy, officier français et véritable traître, y compris et surtout après que des preuves accablantes contre lui aient été révélées par la presse, plutôt que de soutenir un officier français, alsacien et juif de naissance, Alfred Dreyfus.