Cannabis : à quand la fin du tabou en France ? – Libération

L’année 2014 sera-t-elle celle du cannabis ? Depuis le 1er janvier, on peut se procurer légalement de la marijuana à usage récréatif dans l’Etat américain du Colorado, qui en a légalisé la vente dans des commerces spécifiques, où tout résident âgé de plus de 21 ans peut acheter jusqu’à 28 grammes. L’Etat de Washington a également voté cette mesure révolutionnaire qui y entrera en vigueur dans quelques mois, comme en Uruguay.

Ces trois Etats ont-ils été sévèrement drogués pour autoriser et superviser culture et distribution de marijuana ? Pas du tout : conscients de la faillite de la prohibition, ils font preuve de pragmatisme et se lancent avec courage sur cette voie de la légalisation contrôlée que les Pays-Bas ont en partie défrichée, avec un certain succès, depuis les années 70.

A l’inverse, les responsables politiques français sont toujours bouchés : prisonniers de leurs fantasmes, préjugés et tabous, l’énorme majorité d’entre eux attrape immédiatement des boutons si on leur parle de légalisation contrôlée. Mais ils feraient bien, parmi les bonnes résolutions de l’année, d’amorcer une réflexion sur la question, hors de l’hystérie diabolisante qu’ils affectionnent. Voici, pour la nourrir, les termes du débat.

1) La prohibition ne marche pas. C’est une politique qui est coûteuse et inefficace : l’interdiction du produit n’a aucun effet sur la consommation, qui reste élevée en France. Pourquoi la maintient-on ? Selon la dernière enquête Espad 2011 (1), la moitié des lycéens français ont déjà fumé du cannabis, d’après leurs dires. Cette consommation connaît parmi eux «une diffusion comparable à celle du tabac», et on note même une «intensification des consommations» (cannabis, alcool et tabac) dans les classes de seconde et première. Signe de l’inanité de la prohibition, la moitié juge facile de se procurer du cannabis ; seuls 15% estiment impossible d’en trouver.

2) La prohibition ne profite qu’aux trafiquants. Elle leur assure un marché noir juteux sur lequel l’action policière a peu d’influence : effectuer des saisies ne sert pas à grand-chose, car tout réseau démantelé est aussitôt remplacé par un concurrent. A l’inverse, légaliser ferait mécaniquement baisser la délinquance, puisqu’une partie du marché passerait de l’illégal au légal.

3) La prohibition génère le crime. Si la vie dans certaines cités urbaines transformées en supermarchés du shit est insupportable, ce n’est pas à cause du cannabis, mais de la prohibition. Pareil pour les règlements de compte liés au trafic : si certains jeunes de 18 ans se font descendre, ce n’est pas à cause du cannabis, mais de la prohibition. Si ce commerce était légal, ces crimes diminueraient. Quand les politiques comprendront-ils que le système qu’ils favorisent conduit à des meurtres ?

4) Poursuivre l’usage est inutile et injuste. La Conférence de consensus sur la prévention de la récidive lancée par Christine Taubira avait suggéré, l’an dernier, de réprimer l’usage de cannabis d’une simple amende, afin de désengorger les tribunaux : en 2010, les infractions sur les stupéfiants représentaient 8,5% des condamnations en correctionnelle, qui ciblent de façon discriminatoire les habitants des quartiers populaires. A quand la mise en œuvre de cette mesure déjà préconisée par Nicolas Sarkozy, quand il était ministre de l’Intérieur ?

5) L’incidence d’une dépénalisation ou d’une légalisation sur la consommation est incertaine. Si on poursuit moins les usagers, passibles en France d’une peine maximale d’un an de prison, la consommation va-t-elle croître ? Pas sûr : le Portugal a dépénalisé en 2001, sans constater d’augmentation. Mais comme une légalisation contrôlée rend le cannabis plus facile à obtenir, le risque d’une augm

via www.liberation.fr

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