François Hollande avait fait de la jeunesse le fil conducteur de sa campagne présidentielle. « Je demande à être jugé sur deux engagements majeurs : la justice et la jeunesse. » Ainsi s’enflammait-il au soir de son élection, le 6 mai 2012, depuis son fief de Tulle en Corrèze. Visiblement convaincus et traditionnellement plus orientés à gauche, les 18-24 ans ont voté massivement en sa faveur (57 % au second tour). Seize mois de présidence plus tard, le pari est loin d’être gagné avec un jeune sur quatre au chômage et un taux de pauvreté deux fois plus élevé que dans le reste de la population.
Camille Peugny© dr
Le projet de loi de réforme des retraites, qui est présenté ce mercredi 18 septembre en conseil des ministres, n'est guère porteur d'espoir. En portant l’allongement progressif de la durée de cotisation à 43 ans en 2035, le gouvernement sacrifie les jeunes générations déjà frappées par la crise économique. C’est le point de vue du jeune sociologue Camille Peugny.
Pour ce spécialiste des questions de jeunesse, de mobilité sociale, de reproduction des inégalités, maître de conférences à Paris VIII, il est urgent de « passer aux actes » si on ne veut pas se rapprocher des pays du sud de l'Europe et se diriger vers « une latinisation » de la jeunesse française confrontée à « la double peine : d’une part, d’une crise économique structurelle qui précarise fortement ses trajectoires, et de l'autre en étant tenue à l’écart des leviers du changement social et politique dans une société qui vieillit ». Entretien.
Le projet de loi sur les retraites est présenté ce mercredi en conseil des ministres puis va être débattu au Parlement début octobre. Que pensez-vous de cette première réforme des retraites d’un gouvernement de gauche ? Est-elle « anti-jeunes » comme le dénoncent plusieurs syndicats et associations ?
Menée par un gouvernement de gauche, une réforme des retraites devrait avoir deux objectifs, outre la nécessité d’assurer la pérennité du système par répartition : faire diminuer les inégalités entre groupes sociaux et faire progresser l’égalité entre les générations. Sur ce dernier point, chacun le sait, le compte n’y est pas, bien au contraire. Dans l’ajustement qui est opéré, l’effort pèse presque exclusivement sur les salariés puisque les employeurs verront leur contribution compensée. Et parmi les salariés, cet effort est demandé aux jeunes générations en raison du choix qui est fait de l’allongement de la durée de cotisation à 43 années à partir de 2035. Ce faisant, le gouvernement évite probablement une explosion sociale à court terme mais nourrit la frustration et la rancœur des jeunes.
La mobilisation, le 10 septembre, contre ce projet de réforme a été faible à travers le pays. Les jeunes, les plus concernés, étaient les moins visibles malgré l’appel lancé par un collectif réunissant des associations de jeunes. Est-ce la résignation qui les paralyse ?
Je crois qu’il y a effectivement une certaine résignation qui s’explique par plusieurs éléments. D’abord, l’absence de discours alternatif réellement audible. Depuis plus de dix ans, le discours dominant est en apparence simple et évident : l’espérance de vie augmente, il faut donc travailler plus longtemps. Ensuite, les jeunes ont intégré depuis longtemps que tout serait plus compliqué pour eux. On voit alors se développer une forme de résignation cynique : cette réforme des retraites n’est qu’un coup supplémentaire.
J’ajoute que lorsque l
via www.mediapart.fr