Ils sont étudiants, conducteur de travaux, magasinier, maquilleur ou cadre supérieur. Et tous catholiques intégristes. Vendredi à Paris, ils étaient jugés pour avoir perturbé le déroulement d’une pièce qu’ils jugeaient «blasphématoire».
Le 22 octobre 2011 et les jours suivants, ils avaient interrompu la représentation de la pièce de Romeo Castellucci Sur le concept du visage du fils de Dieu, au théâtre du Rond-Point, à Paris. Ils avaient jeté des œufs, balancé des boules puantes, fait jouer leurs sifflets à roulettes. Ils étaient montés sur scène, obligeant les responsables du théâtre à stopper la représentation. Ils avaient balancé des insultes comme «merde à la République, non à la christianophobie», «la France, c’est nous»… Durant la même semaine, des centaines de manifestants portant crucifix, chapelets et bannières du Sacré-Cœur s’étaient rassemblés devant le théâtre à l’appel de mouvements tels que Civitas, le Renouveau français et aussi de Frigide Barjot et ses roses blanches. Les mêmes qui se mobilisent aujourd’hui contre le projet de loi sur le mariage pour tous.
Supporteurs. Mais on compte également parmi les prévenus des supporteurs ultras du Paris-Saint Germain. Un d’entre eux a déjà été condamné en 2011 pour avoir déployé cette fameuse banderole «pédophiles, chômeurs, consanguins : bienvenue chez les Cht’is», lors d’un match contre Lens en 2008 au Stade de France (Seine-Saint-Denis).
Des 34 personnes renvoyées, seulement 18 sont présentes vendredi à l’audience devant la vingt-quatrième chambre du tribunal correctionnel de Paris. Ils ont entre 25 et 35 ans. Prévenus «d’entrave de manière concertée à la liberté d’expression, par voies de fait, destruction ou dégradation et violences». Ils se succèdent à la barre en cravate et veste, le cheveu maîtrisé. Beaucoup fréquentent Saint-Nicolas-du-Chardonnet, principal lieu de culte parisien des catholiques traditionalistes. Ils connaissent l’Ave Maria sur le bout des doigts, le Je crois en Dieu dans toutes les versions, y compris latine.
Le travail de la présidente, Christine Servella-Huertas, consistera à établir si ces intégristes avaient prévu leur coup et s’étaient organisés pour venir perturber les représentations. C’est d’abord sur l’achat groupé des billets qu’elle essaie de les confondre, puisque le plan montrait qu’ils s’étaient retrouvés sur la même rangée au théâtre du Rond-Point. Mais elle n’obtient que peu de certitudes de ce côté-là. Ils disent qu’ils se sont procuré les billets «à la sauvette», qu’on leur a proposé de les leur donner, qu’ils les ont achetés au «guichet du théâtre».
Tous s’insurgent contre le «blasphème» fait à leur religion. «J’ai vu le vieil homme, comme si c’était Dieu le Père, et un plus jeune, qui lui torche les fesses [il s’agit de Jésus, ndlr]. Un catholique ne peut accepter de telles matières [des excréments, ndlr] sur ce que représente le Christ», dit un des prévenus. Un autre ajoute : «C’était peu ragoûtant, cela m’a rappelé mon père qui était atteint d’un cancer, dans ses derniers instants. J’ai trouvé cela déviant […]. Je me demandais si ce que je voyais était possible. Je cherchais désespérément l’artistique. Le mec, il chie du début à la fin. C’est assez traumatisant comme spectacle.» Un troisième raconte : «Le vieillard était fesses nues devant le visage du Christ. Mon seuil de tolérance était dépassé.»
«Petit topo»
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