Au secours, Sartre, ils sont devenus fous: réponse à Robert Redeker – par Pascale Fautrier

L'article de Robert Redeker, dans Le Monde d'hier, (http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/10/20/la-retraite-agonie-d-un-mythe-francais_1428758_3232.html), La retraite, agonie d'un mythe, est un exemple de cette mauvaise foi retorse et particulièrement perverse qui permet d'établir des passerelles confortables entre un pseudo-discours humaniste de gauche et des prises de position  violemment conformistes, favorables aux menées autocratiques du pouvoir et de l'oligarchie qu'il sert.

Reprenons : on commence par nous annoncer, avec tout le sérieux que se doit à lui-même et à sa position un "intellectuel", qu'il s'agit de réfléchir au "sens de la mobilisation de grande ampleur autour de la réforme des retraites voulue par l'actuel gouvernement". L'expert du sens que doit être l'intellectuel fait mine de s'interroger ingénuement : "Pourquoi cette réforme, probablement nécessaire, soulève-t-elle une opposition aussi nombreuse, confirmée par les sondages ?"

Dès la deuxième phrase pourtant, la réflexion attendue devient prise de position : "cette réforme, probablement nécessaire". Le "probablement" surprend : l'intellectuel spécialiste du "sens" à donner aux phénomènes sociaux semble curieusement avouer par cette précaution rhétorique qu'il n'a pas l'intention de se pencher sur le problème de  fond que pose la réforme des retraites et qu'il a du mal à se faire une opinion.  

Les gens sérieux arrêteront leur lecture en ce point : comment M. Robert Redeker peut-il prétendre nous livrer une expertise avisée sur le "sens" à donner au mouvement de contestation, s'il ne s'est pas donné le temps et les moyens d'une enquête approfondie sur le sujet ? Et quelle est sa légitimité en conséquence pour affirmer néanmoins que cette réforme est "nécessaire"?

Remarquons que ce préambule est particulièrement habile : il flatte les lecteurs qui eux non plus n'ont pas d'avis arrêté sur cette réforme (ils sont nombreux) et qui se sentent peu concernés par le recul de l'âge de départ à la retraite (62 ans pour l'âge légal de départ et 67 pour la retraite à taux plein), soit parce qu'ils font un travail agréable qu'ils n'ont nullement l'intention d'arrêter, soit parce qu'ils font partie des salariés privilégiés, souvent, en outre, petits propriétaires, ce qui leur permet d'envisager la vieillesse sans crainte.  

Mais continuons. Deuxième moment de l'article : M. Robert Redeker  s'étonne (les deux paragraphes suivants) de ce que beaucoup "avouent "attendre la retraite"", alors que, comme il l'a redit à midi sur France Inter (journal de 13h) en une formule lumineuse : "un retraité n'a pas d'avenir". Nietzsche est ici convoqué comme de juste pour appuyer le fond de la pensée anticonformiste de son lointain émule : pourquoi cette humanité du XXIième siècle qui défile dans les rues exalte-t-elle la retraite comme un "âge d'or de l'existence" alors que la vieillesse est comme on sait le "vestibule de la mort"? comment des jeunes gens peuvent-ils perdre leur fraîcheur à se poser des problèmes de vieux? Nouvelle habileté dont la cible n'est autre que tous ceux qui croient savoir que Nietzsche est un grand philosophe revigorant et un maître de l'ironie, cette preuve de la "bonne santé" intellectuelle : quoi de plus contraire à la "grande santé" que de considérer la vieillesse,

via www.mediapart.fr

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