L’offensive soviétique
Dès la fin des années 20, le cinéma soviétique prend une avance considérable. L’effort qui vise à faire du cinéma un outil de propagande révolutionnaire mène à l’établissement de groupes d’expérimentation filmique qui vont, entre autres, modifier à tout jamais l’approche du montage. La musique devient le prolongement naturel de cette expérimentation. Alors qu’en Occident, le manque de prestige lié au cinéma tient encore à distance les compositeurs les plus acclamés, en Russie la cause révolutionnaire les mène droit vers l’écran. Durant les années 30, le réalisateur Eisenstein s’adjoint les services de Sergueï Prokofiev sur Alexandre Nevski, tandis que Dmitri Chostakovitch compose près d’une quinzaine de partitions pour le grand écran. Cette musique pour films soviétique est néanmoins tenue par les rênes du réalisme socialiste imposé par Staline. Son rapport aux images s’en tient donc à l’abstraction intellectuelle, au symbolisme approuvé par la cause révolutionnaire (souvent par le jeu du contrepoint musical). Il est hors de question, pour ces compositeurs, de céder à un quelconque sentimentalisme qui leur vaudrait l’accusation de "formalisme bourgeois" équivalent à une mise à mort. Cette terreur sourde, alliée au manque de dialogue avec le public (qui se contente de regarder ce que le Parti approuve – son affluence ou son absence n’ayant aucune incidence sur la production) va très largement contribuer à la stagnation, voire à la régression musicale, suite à quelques mois d’expérimentation tous azimuts.
Le Parlant silencieux
A l’inverse, à Hollywood, l’arrivée du parlant oblige la musique à justifier sa présence et nombreux sont les films du début des années 30 qui, hors générique, ne proposent plus une seule note ! En effet, les producteurs craignent que le public ne soit déstabilisé par la présence d’une musique extra-diégétique (hors du monde où se déroule la fiction) qui lui ferait se demander d’où provient cette mélodie et pourquoi les héros ne semblent pas l’entendre. Passées les scènes de théâtre, de cabaret ou de fêtes diverses, point de musique ! Certains cinéastes contournent le problème en glissant discrètement un gramophone par-ci, un figurant qui chantonne hors-champ par-là, afin de soutenir musicalement une action silencieuse et justifier la présence de cette musique. Dans le final à suspense de son oeuvre musicale Hallellujah, où le héros poursuit le méchant à travers un marécage, King Vidor (encore lui) réarrange en studio le bruit des pas boueux, des branches, des respirations haletantes, leur conférant un rythme musical subliminal qui amplifie le drame qui se joue à l’écran.
Opératique
Aussi n’est-il pas hasardeux que la musique reprenne pleinement ses droits à l’occasion d’un film qui se déroule dans un univers "fantaisiste", en l’occurrence le démesuré King Kong (1933), dont la partition est confiée au compositeur austro-hongrois Max Steiner.
Affranchi par le caractère ouvertement opératique de l’œuvre, cet ancien élève de Brahms et de Gustav Mahler s’approprie tous les codes de l’opéra et du poème symphonique du XIXème siècle (motifs, leitmotiv, thèmes etc.) afin de dérouler une sorte de fil émotionnel qui dialogue avec l’image. Le motif musical du grand gorille est entendu bien avant son arrivée à l'écran; il prépare psychologiquement le public. Puis ce motif se mêle discrètement avec le thème musical de l'héroïne Ann Darow. En l'absence de vrai dialogue entre ces deux protagonistes, c'est la musique qui nous indique la relation complexe qui se joue entre eux. Présente durant près des ¾ du film, la musique de King Kong par Steiner va démontrer la pleine acceptation par l
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