Arrêt sur images – « Les ouvriers d’aujourd’hui ne sont plus ceux de 1981 »

"Gauche, quelle majorité électorale pour 2012 ?" Sous ce titre, Terra Nova s'est livrée à un exercice de sociologie politique conséquent, pour tenter de comprendre pourquoi la social-démocratie est en crise en France, mais aussi partout en Europe. Il y a bien sûr la crise idéologique, mais aussi une cause sociologique : la classe ouvrière, qui a été le cœur du peuple de gauche, est en déclin. Le rapport constate un "divorce" entre la gauche et la classe ouvrière, de moins en moins nombreuse et, surtout, qui a tendance à se replier sur elle-même et à s'éloigner des valeurs culturelles défendues par la gauche depuis 1968. Le texte présente la nouvelle coalition électorale que le PS devrait viser : diplômés, jeunes, minorités, femmes. Et, d'une manière générale, tous les "outsiders" ceux qui vivent dans le précariat ou le chômage.

Mais à Dan, qui se livre à ce résumé du texte, Olivier Ferrand assure très vite qu'il n'a pas bien retranscrit l'essence du rapport. Son cœur, insiste-t-il, est à chercher du côté de la définition des "outsiders". "Ces 10 ou 12 millions de personnes représentent la majorité des classes populaires, et sont aujourd'hui ignorées des politiques. Le peuple de gauche d'aujourd'hui, ce sont ces classes populaires déclassées." Et pour leur parler, il ne faut pas avoir peur "de faire le jeu du Front national", mais affirmer haut et fort ses valeurs. Ce préambule posé, Anne-Sophie se penche sur les mots anglo-saxons qui ont déjà fait leur apparition dans le débat : "think tank" et "insiders" et "outsiders". Mais pourquoi donc parler d'outsiders, et pas d'exclus ? (acte 1)

La question d'Anne-Sophie n'est pas anodine. Et Ferrand la prend au sérieux. Sawicki a déjà critiqué les notions d'insiders et d'outsiders, parce qu'il estime qu'elle est fourre-tout, et surtout très poreuse, que l'on peut passer facilement de l'un à l'autre. Ceux qui sont en poste en CDI ont 99,5% de chances d'y rester d'une année sur l'autre, réplique Ferrand. De l'autre côté, c'est l'explosion du précariat : en 2010, sur 19 millions de contrats de travail signés, seuls 3 millions étaient des CDI, et… 12 millions étaient des contrats de moins d'un mois (sans qu'il ne précise combien de salariés ils ont concerné). Pour autant, le choix du mot "exclus" est trop marqué, pense-t-il : il préfère la dynamique sous-entendue par le terme anglais.

Sawicki est très gêné par la distinction opérée par Terra Nova. Il critique le sous-entendu de cette classification, qui voudrait que les insiders soient des privilégiés : "Ce qui est sous-jacent, c'est de considérer que les gens qui sont en CDI ont une chance absolument incroyable, qu'ils sont insérés socialement et menacés par rien." Il résume sa pensée quelques minutes plus tard : "le problème avec ces notions, ce n'est pas la définition d'outsider", mais celle d'insider!"

Interrogé par Daniel sur le manque de propositions concrètes, Ferrand évacue en rappelant que sa fondation publie des dizaines de propositions par an. Et quelles mesures pour les exclus, demande Daniel ? "La hausse des minimas sociaux", répond Ferrand. "Et des bas salaires !", rebondit aussitôt Clémentine Autain, qui pointe le scandale des "temps partiels imposés, qui concernent principalement les femmes." Après quelques atermoiements, et à l'insistance de Daniel, Ferrand reconnaît que la mesure est nécessaire. Mais il semble moins convaincu par l'urgence de la suppression des contrats précaires de la fonction publique, réclamée par sa voisine. Après avoir admis qui fallait "dé-précariser" ces salariés, il reconnaît, encore une fois à la demande de Daniel, qu'il faut les "titulariser"… (acte 2)

Rappelez-vous, en 2002, à quelques jours du premier tour, Lionel Jospin s'était vu