En Italie, Antonio Pennacchi est surnommé « l’écrivain-ouvrier » : né en janvier 1950, militant d’extrême gauche, il a travaillé durant trente ans en usine, de nuit, chez Alcatel-Fulgocarvi avant de devenir écrivain – 9 romans publiés depuis 1994 – jusqu’à obtenir, en 2010, le prestigieux Prix Strega pour Canal Mussolini.
C’est ce destin hors norme que raconte en partie Mammouth, qui vient de paraître chez Liana Levi : Mammouth est le premier roman de Pennacchi, mise à distance à travers un double – l’ouvrier Benassa – de ses années d’usine, de lutte syndicale puis la lassitude (physique, politique), le choix d’une autre forme d’engagement, désormais littéraire. « J’étais encore un antagoniste », écrit-il dans la préface du livre, un imparfait qu’il rectifie lorsque nous le rencontrons en février dernier à Paris : « Je suis un antagoniste. » L’opposition, politique comme romanesque, au présent. Écrire n’est pas se mettre en retrait.
L’avant-propos de Mammouth raconte l’histoire d’un livre comme d’un homme : « J’ai commencé à rédiger Mammouth le soir du 3 novembre 1986 », « avec un stylo plume à cartouches bleues acheté à la Standa – dans trois gros cahiers rouges ». Photocopies, reliure à la main et à la « colle vinylique », départ dans la « Fiat 127 jaune » avec femme et enfants pour Milan où Pennacchi dépose le manuscrit chez tous les éditeurs de la ville : suivent huit années de déception, de refus, de nouvelles lettres catégoriques : « Cinquante-cinq refus de la part de trente-trois éditeurs différents. Tous les éditeurs d’Italie, du plus gros au plus petit. Sans exclusion. Ils n’ont pas voulu de moi. »
Antonio Pennacchi coupe, reprend, refuse d’écrire autre chose, c’est Mammouth qu’il veut publier. En attendant, il profite d’une période de chômage technique pour entrer à l’université, finit ses études « en travaillant la nuit aux torpilles de câbles à paires torsadées », révise « penché sur mes livres à mon établi », obtient son diplôme, mention la plus haute. « C’est durant cette période que Mammouth a été imprimé et publié. »
L’histoire n’est pourtant pas terminée :
via www.mediapart.fr