Alioune Diop, pensée noire – Libération

Tôt le matin, des centaines d’étudiants, sagement rangés en file, attendent une place en bibliothèque. Au cœur du campus de Dakar, ils vont trouver, jusqu’à fin juin, une manifestation inattendue : une exposition consacrée à la revue Présence africaine, qui fut le creuset de l’émancipation noire à travers le monde.

La Fondation Total, qui a entièrement pris en charge cette opération (lire ci-dessous), a choisi la plus grande université d’Afrique pour reprendre un hommage au fondateur de la revue, Alioune Diop (1910-1980), monté par le musée du Quai-Branly. La Fondation a aussi fait venir des chercheurs d’Afrique, de France et des Etats-Unis, pour un colloque sur la situation de l’édition dans le continent. Ou faut-il dire : l’effondrement ?

Pitoyable. Rares sont les présidents comme Senghor au Sénégal (pilier de Présence africaine) ou Konaré au Mali, qui portent un intérêt aux politiques culturelles. C’est un des drames de ces pays, où la communauté internationale a investi dans des campagnes massives d’alphabétisation, dont une partie se perd dans les sables dès lors que l’accès à la lecture est si rare et difficile.

L’Afrique francophone est encore plus démunie. C’est la première exposition qu’accueille Dakar depuis plus de cinquante ans. Le musée, bâti par Senghor, a fermé de longue date. L’état de l’université est pitoyable. Aucun représentant du gouvernement n’a assisté à la cérémonie d’ouverture. La réussite de l’exposition est d’autant plus notable.

Bénéficiant d’un espace plus vaste et d’un décor plus dynamique qu’à Paris, elle met en exergue le rôle crucial joué par Alioune Diop dans une aventure, qui, sans lui, aurait pu vite tourner court. Dissimulant une forte détermination derrière une élégance jamais démentie, cet intellectuel a créé la revue au Quartier latin en 1947. La «revendication nègre» faisait difficilement son chemin depuis les débuts du siècle. Artistes et militants revendiquaient un qualificatif alors largement répandu : «Nous sommes des Nègres, nous ne sommes pas des gens de couleur ! Qui a dit que les Blancs n’avaient pas de couleur ?» proclamait un libelle américain.

Diop a su cristalliser cette prise de conscience, en créant une structure revue-librairie-maison d’édition, lesquelles existent toujours. Il les a ouvertes à toutes les nationalités et toutes les tendances, des chrétiens aux marxistes. Et jusqu’à la violence d’un Paul Nizan. Loin d’être tues, ces oppositions trouvaient un écho dans ses publications. «Cette revue ne se place sous l’obédience d’aucune idéologie, philosophie, et politique… Elle veut s’ouvrir à tous les hommes de bonne volonté», proclamait le premier Présence africaine. Elle s’appuyait sur deux personnalités très contrastées, Léopold Senghor, député à l’Assemblée nationale, et Aimé Césaire, fondateur du parti communiste martiniquais.

Diop s’est lui aussi lié à

via www.liberation.fr

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