Quelle traversée ! Quelle orgie de théâtre ! Quelle audace et quelle générosité ! Le samedi 9 novembre 2013 restera une date dans l’histoire du TNB (théâtre national de Bretagne), dans celle de son festival « Mettre en scène », et dans la vie des spectateurs. Présents depuis le matin dans la grande salle du TNB, ils en sont sortis éblouis, passé minuit, au terme de cet « Henry VI », trois pièces en une de Shakespeare jouées par la compagnie La Piccola Familia dans la mise en scène de son jeune (né en 1982) et très talentueux animateur, Thomas Jolly.
Un spectacle hors normes
Que tous les programmateurs de spectacles formatés en prennent de la graine :
- une durée peu ordinaire (un spectacle en trois soirées ou en une intégrale de treize heures, entractes compris) ;
- un metteur en scène peu connu ;
- des acteurs dont le nom ne dit le plus souvent pas grand-chose hormis celui de Geoffrey Carey (familier des spectacles de Christoph Marthaler) qui n’est cependant pas une star « bancable » ;
- une pièce au très long cours, « Henry VI » l’une des moins connues et ses moins jouées de Shakespeare.
Bref de quoi faire peur, notion habituellement traduite dans une stupide formule : « Ce n’est pas pour mon public. » Foutaises. Le public est prêt à tout, sa curiosité, son envie sont insatiables. Il est même prêt à rester une journée entière assis dans un fauteuil (et pour ce qui me concerne, un strapontin, tant la salle était pleine) quand la force infinie du théâtre est au rendez-vous.
Ce samedi-là, au soir de l’intégrale qui se sera déroulée dans une ambiance plus proche d’un concert de rock que d’une soirée à la Comédie-Française, le public offrit aux acteurs, à toute l’équipe du spectacle et aux techniciens, une standing ovation massive et immédiate qui semblait devoir durer éternellement jusqu’à ce qu’une énième baisser de rideau ne vienne y mettre fin.
Alors il faut ici remercier ceux qui ont veillé sur cette aventure hors norme. Mona Guichard qui au théâtre de Cherbourg a produit le premier cycle, François le Pillouër, patron du TNB qui a produit le second et sans attendre a fait de Thomas Jolly un artiste associé à son établissement, et enfin Olivier Py, nouveau directeur du festival d’Avignon où sera créé en juillet prochain le troisième cycle, ainsi pourra-t-on voir l’ensemble des trois cycles (près de 17 heures de théâtre !) dans un lieu non encore choisi qui, espérons-le, sera à la mesure de cette aventure démesurée.
Du théâtre tourné vers le public
Thomas Jolly propose un théâtre qui se veut résolument public. Tourné vers le public. En partage. L’histoire des rois anglais est complexe, une famille ramifiée en deux branches (les York et les Lancastre) qui se disputent la légitimité (la Guerre des deux roses, blanches et rouges), est au cœur de « Henry VI » et de l’histoire d’Angleterre (Shakespeare écrit en s’inspirant de faits qui se sont produits un siècle plus tôt). On s’y perd entre les descendants, l’ordre des rejetons et des prétendants au trône. Alors Thomas Jolly intègre dans sa mise en scène trois séa
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