William Binney était considéré comme l’un des meilleurs analystes de l’histoire de la NSA. Un génie des mathématiques et du traitement des données, devenu directeur technique du renseignement américain. Après plus de 30 années de carrière, il devient le pionnier des lanceurs d'alerte et dénonce la surveillance de masse et le Patriot Act. Début 2013, un jeune analyste de la NSA regarde une interview de Bill Binney par Laura Poitras. Inspiré, il contacte la réalisatrice pour lui dire à son tour ce que lui sait. Il s’appelait Edward Snowden.Qu’est-ce qui vous a poussé à démissionner de la NSA en 2001 ?
William Binney. Au cours de la deuxième semaine d’octobre 2001, soit un mois tout juste après les attentats du World Trade Center, j’ai découvert que la NSA, sous ordre de la Maison Blanche, avait commencé à espionner tous les Américains. C’était le début de la collecte en masse des données personnelles, et clairement une violation de la Constitution américaine et de nombreuses lois. J’ai du quitter la NSA, je ne pouvais pas rester directeur technique du renseignement dans ces conditions. Ils m’ont proposé une retraite anticipée dès la fin du mois d’octobre et je l’ai acceptée. Tout de suite après, et pendant les six années suivantes, j’ai, avec mon collègue de la NSA Kirke Wiebe et la membre du comité de surveillance du renseignement Diane Roark, essayé par les canaux officiels de convaincre les membres du Congrès américain et l’administration d’arrêter la surveillance de masse. Qu’ils devaient respecter la constitution et les citoyens américains.
Et la situation a dégénéré pour vous ?
W.B. Avec Kirke Wiebe et Diane Roark, nous avons porté plainte auprès de l’inspecteur général du ministère de la défense, contre la NSA pour corruption, fraude et gaspillage d’argent public. Ce que moralement nous devions faire en tant qu’employés du gouvernement américains. 90 % des conclusions de l’enquête ont été enterrés, classifiés en 2005. C’est après la première fuite, dans le New York Times en décembre 2005, du programme d’écoute de masse de la NSA, que nous, qui avions porté plainte, avons été la cible du FBI. En juillet 2007, les fédéraux ont fouillé nos maisons, confisqués tous nos équipements informatiques et les documents que nous avions collecté pour montrer les activités illégales de la NSA. Nous n’avions plus de preuves, cela a mis fin à notre aventure.
Les récentes mesures prises en France, avec notamment la loi sur le renseignement et l’Etat d’urgence prolongé, sont-elles comparables au Patriot Act ?
W.B. Il y a une vraie dérive, mais
via www.humanite.fr