C'est un débat qui se mène dans les coulisses de l'Elysée mais qui pourrait prochainement aboutir. Lancé notamment par Alain Minc, l'entremetteur du capitalisme parisien, il porte sur l'opportunité de procéder à une «vraie-fausse» nationalisation de certains établissements financiers, du secteur des banques ou de l'assurance, les plus ébranlés par la crise financière.
Mais comme souvent quand le conseiller occulte de Nicolas Sarkozy est à la manœuvre, le projet serait moins désintéressé qu'il n'y paraîtrait. Il aurait d'abord pour objectif d'offrir des portes de sortie à des grands patrons proches de l'Elysée, notamment ceux de Dexia et de Groupama.
Selon de très bonnes sources, Alain Minc cherche en effet à convaincre le chef de l'Etat qu'une nationalisation de certains groupes bancaires ou d'assurances constituerait une habile manœuvre, politique tout autant que financière.
Politique, d'abord, pour une raison transparente. Sur cette question d'une éventuelle nationalisation des banques, la gauche est en effet gravement divisée, et tout particulièrement les socialistes. Si certains intellectuels y sont favorables, tel Jacques Julliard, les principaux dirigeants socialistes, François Hollande et Martine Aubry au premier chef, y sont fortement opposés. François Hollande, en particulier, qui multiplie les contacts discrets avec des figures du monde financier, veut donner des gages d'une modération. A l'autre aile du PS, Arnaud Montebourg préconise des mesures radicales pour les banques. Mais ne voulant pas contribuer à une nationalisation des pertes, ce dernier défend une autre idée, celle d'une mise sous tutelle des établissements financiers.
Le Front de gauche, lui-même, par la bouche de Jean-Luc Mélenchon, a fait comprendre qu'il ne faudrait pas compter sur lui pour applaudir une fausse nationalisation, qui ne contribuerait qu'à socialiser les pertes et privatiser les profits.
Du même coup, certains font valoir à Nicolas Sarkozy qu'il pourrait faucher l'herbe sous les pieds de la gauche, en mettant en œuvre des nationalisations partielles de quelques établissements. Il s'agirait en quelque sorte de rééditer une mesure un peu du même type que celle qui avait été prise lors de la suppression de la publicité sur les écrans de la télévision publique, en plaçant la gauche en porte-à-faux. Même si elle est divisée sur cette question, la gauche ne serait-elle pas gênée aux entournures? Et pourrait-elle vraiment critiquer Nicolas Sarkozy pour avoir usé de la mesure hautement symbolique – surtout dans l'histoire de la gauche – de la nationalisation ?
Le débat a donc pris de l'ampleur à l'Elysée, à tel point que plusieurs banquiers ont été mis dans la confidence – des banquiers qui, pour beaucoup, ne manifestent guère d'enthousiasme, à commencer par ceux de BNP Paribas, qui sont pourtant très proches de l'Elysée.
Seulement voilà ! Avec Alain Minc, c'est toujours du billard à plusieurs bandes. Et quand il fait une recommandation secrète au chef de l'Etat, il faut toujours s'appliquer à comprendre si cela ne sert pas aussi l'un de ses clients. Voire lui-même.
On se souvient que c'était précisément le cas lors de la suppression de la publicité sur les écrans publics. Très vite, on avait en effet compris que le projet aurait pour conséquence une privatisation de la régie publicitaire de France Télévisions, au profit de Publicis et de l'homme d'affaires Stéphane Courbit, lequel homme d'affaires avait pour conseil… Alain Minc ! Mediapart avait ainsi révélé à l'époque que le même Alain Minc était directement intéressé à l'opération puisque son client, Stéphane Courbit, lui avait secrètement attribué 3% du capital de son groupe, sous forme d'actions gratuites.
L'opération était donc très loin d'être désintéressée.
via www.mediapart.fr