Van Reybrouck : «Le vrai pouvoir migre ailleurs, il faut réactiver la vie publique» – Page 1 | Mediapart

David Van Reybrouck, à la fois historien, journaliste, romancier et homme de théâtre, est l’auteur du best-seller Congo, une histoire. Il connaît bien la France et vient de publier Contre les élections, aux éditions Actes Sud, dans lequel il dresse, dans la perspective des élections européennes et quelques semaines après les élections municipales, une décapante charge contre l’épuisement et les dysfonctionnements des démocraties européennes.

Pourquoi avez-vous dit que la France avait le système politique le plus sclérosé de toute l'Europe occidentale ?

David Van ReybrouckDavid Van Reybrouck © Stephan Vanfleteren

J’ai longtemps pensé que la Belgique était la « partitocratie » par excellence, au sens d’une démocratie que se partagent les principaux partis politiques. Cela se marque notamment par la politisation de l’administration et la quasi-nécessité, pour avoir poste au sein de la haute administration, d’avoir la carte d’un parti. Mais je constate qu’en France, au niveau national en tout cas, cela fonctionne de la même façon, peut-être même pire. L’ensemble du pouvoir public est entre les mains de partis politiques qui ne représentent qu’une petite fraction du pays.

L’autre spécificité française, qui continue à me surprendre, est l’aristocratie des hautes écoles et le système de reproduction d’inégalités très important d’un pays qui a pourtant mis l’égalité au cœur de sa devise républicaine. J’ai lu Bourdieu, mais je ne pensais pas que le système qu’il décrivait était aussi puissant et durable dans le temps.

Quand je regarde la France, j’ai l’impression d’une grandeur qui est devenu une hystérie. La fierté nationale s’est transformée en haine de soi et des autres. La France incarne cette détestation pour les élus couplée à une vénération des élections que j’analyse dans mon ouvrage, et qui crée des frustrations de toutes parts. Ceux qui votent FN sont frustrés par la politique traditionnelle, mais ceux qui votent encore pour les partis dits de gouvernement ont l’air tout aussi insatisfaits de la classe politique, et incapables d’envisager un remède à la crise démocratique que la France et l’Europe traversent.

Comment regardez-vous les institutions de la Ve République depuis la Belgique, qui a récemment connu un épisode de plusieurs mois sans gouvernement ?

Charles de Gaulle en 1961Charles de Gaulle en 1961

La France, comme tous les autres pays occidentaux, est en train de s’horizontaliser, alors que la Ve République est un régime très vertical, et cet écart crée à la fois malaises et blocages. Les nouvelles technologies accélèrent un processus d’horizontalisation des sociétés et le développement de modes d’organisation moins pyramidaux et hiérarchiques qui entrent en conflit avec votre République paternaliste, inventée par le pater familias Charles de Gaulle comme s’il présidait un déjeuner dominical.

À l’âge du manuscrit, les princes et les abbés avaient le monopole de l’information et de sa diffusion. L’imprimerie a entraîné un élargissement démocratique. Aujourd’hui, nous sommes confrontés à un saut équi

via www.mediapart.fr

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