Une très grave proposition de loi de Bernard Carayon pour organiser l’omerta sur l’économie | Mediapart

Depuis des années, Bernard Carayon a une obsession : l'intelligence économique. Auteur d'un rapport sur le sujet à la demande du gouvernement Raffarin, il a proposé de nombreux textes législatifs pour permettre aux entreprises de mieux se protéger. Jamais en retard d'un combat pour sauvegarder les intérêts français, on le vit, il y a quelques années, décréter « entreprise stratégique » une société de carton ondulé, Otor, alors en plein combat d'actionnaires face au fonds d'investissement américain Carlyle, parce qu'elle fabriquait le carton servant à entourer les munitions destinées à l'armée française. Depuis, Bernard Carayon ne baisse jamais la garde et continue d'écrire livres et articles pour avertir les entreprises des dangers – réels ou supposés – qui les menacent.

Le 13 janvier, Bernard Carayon a décidé d'aller plus loin. Avec le soutien de 130 députés dont certains ténors de la majorité comme Christian Estrosi, ancien ministre de l'industrie, Yves Jégo, ex-secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ou Alain Marleix, ancien secrétaire d'Etat à l'intérieur, il a déposé une proposition de loi dont l'objet est de « construire une protection juridique efficace et globale de l'ensemble des informations et des connaissances de l'entreprise, afin de résoudre le problème de l'inadaptation du droit commun quant aux atteintes aux secrets d'affaires dans le cadre d'une action d'ingérence économique ».

Dans les faits, ce texte ne déparerait pas parmi les lois sur la presse en Hongrie. Car il ne s'agit pas de combattre seulement l'espionnage économique. Sous couvert de protection des intérêts économiques, cette proposition de loi est liberticide. Elle porte atteinte à la liberté d'expression sur toute l'information économique. Elle organise l'omerta et la protection d'intérêts, qui se considèrent désormais comme au-dessus des lois, au-dessus de la démocratie.

Le texte se propose en effet de sanctionner toute possession ou divulgation d'information à caractère économique protégée. La définition de ce qui est considéré par les députés comme information à caractère économique protégée donne la mesure du projet. Il s'agit « d'informations ne constituant pas des connaissances générales librement accessibles par le public, ayant, directement ou indirectement, une valeur économique pour l'entreprise, et pour la protection desquelles leur détenteur légitime a mis en œuvre des mesures substantielles conformes aux lois et usages, en vue de les tenir secrètes ». « C'est une définition si large, si floue que tout peut être considéré comme information stratégique. Tout est au bon vouloir de l'entreprise. Nous sommes dans l'arbitraire le plus complet », s'indigne l'avocat d'affaires Dominique Schmidt.

Procès d'intention ? Dans les motivations de la proposition de loi, il est donné quelques exemples de ce que les législateurs entendent comme informations économiques protégées. Il y est fait mention naturellement des brevets ou des travaux de recherche et développement. Mais même le taux de marge ou des informations concernant le secteur d'activité sont considérés comme stratégiques. Autant dire que la presse est priée de se contenter de recopier les communiqués officiels et insipides des groupes déclinés sur l'air de « tout va très bien madame la marquise », au nom des intérêts supérieurs de l'économie.

Si un tel texte avait existé auparavant, il n'aurait jamais été possible de raconter des affaires comme le Crédit lyonnais, Elf, Vivendi, les Caisses d'épargne ou les carambouilles de Sidel ou de Rhodia. A chaque fois, les entreprises auraient pu at

via www.mediapart.fr

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