Cette fois-ci serait la bonne. Cent fois annoncée, la réforme des tribunaux de commerce allait enfin voir le jour, avait promis le gouvernement. À peine installés, la ministre de la justice, Christiane Taubira, et le ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, avaient déclaré vouloir s’attaquer promptement à ce dossier, enlisé depuis plus vingt ans. Depuis, tout semble avancer à pas de fourmi.
Sans attendre, tous les édiles consulaires se sont mobilisés pour qu’on ne touche surtout pas à la vieille juridiction commerciale, qui, jurent-ils, a fait ses preuves. À les entendre, les multiples scandales et les dérives qui ont émaillé l’histoire des tribunaux de commerce au cours de ces trente dernières années ne relèveraient plus que du passé. Les condamnations par la justice et les avertissements auraient porté leurs fruits : tout serait rentré dans l’ordre. Et pourtant, les années passent, et le même type de scandales, souvent avec les mêmes noms, resurgit, dans l’indifférence générale en dépit des centaines d’emplois sacrifiées à chaque fois.
Jeudi 6 juin, la cour d’appel de Paris s’est à nouveau penchée sur les pratiques d’une société qui s’est fait une spécialité de reprendre des entreprises à la barre des tribunaux de commerce : Krief Group – autrefois Bernard Krief consulting –, dirigée par l’homme d’affaires Louis Petiet. Un homme qui s’est fait connaître du grand public lors de la reprise ratée du carrossier automobile Heuliez en 2009. Il avait alors multiplié les promesses pour la reprise de l’entreprise et s’était montré incapable d’en tenir la moindre. Depuis cet épisode, les élus locaux de la région Poitou-Charentes, furieux d’avoir été dupés, le surnomment le « Tapie au petit pied ».
Cette fois, la société était convoquée pour une autre entreprise reprise en 2008 : DMC (Dolfus Mieg & compagnie). De restructurations en faillites successives, l’ancien empire textile se résume aujourd'hui à une activité de fil à broder en Alsace. Un de ses principaux créanciers et fournisseurs, une petite PME textile ardéchoise, Blanchard, a porté devant la cour d’appel le dossier afin d’obliger Krief Group à respecter les engagements qu’il avait pris devant le tribunal de commerce de Paris. Il avait notamment annoncé son intention de recapitaliser la société exsangue, en lui apportant 8 millions d’euros, afin de la redresser et de rembourser les créanciers. Ce qu’il n’a jamais fait.
D’arguments en réfutations, la procédure dure depuis plus de trois ans. De curieux obstacles surgissent, obligeant à chaque étape – que ce soit la communication des pièces ou l’exécution des dispositions – à recourir à la justice ordinaire pour obtenir ce que les tribunaux de commerce ne veulent pas accorder. Mais la société Blanchard s’accroche. Car il en va de sa survie.
Quand DMC est tombée en faillite, Blanchard, qui lui fournissait des fils très élaborés, réalisait près d’un million d’euros de chiffre d’affaires avec elle, soit près de 35 % de son chiffre d’affaires. Elle avait une créance sur DMC de 260 000 euros. Elle s’était portée candidate à la reprise. Mais le tribunal de commerce de Paris lui avait préféré l’offre de Krief Group, un « groupe solide et renommé avec un patron charismatique », bien connu des milieux consulaires.
Lors de la procédure d’attribution,
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