Sur la route du pipeline Keystone XL (2/4). Où les ranchers du Nebraska virent écolos – Page 1 | Mediapart

De nos envoyés spéciaux dans le Nebraska. La réserve indienne de Rosebud se termine là où démarre l’État du Nebraska. En filant plein sud, on bascule dans les Sand Hills, une « écorégion » de prairies poussant sur des dunes sablonneuses. C’est un paysage de collines ondoyantes et de vastes champs agricoles. La zone est particulièrement fertile, en raison de la présence souterraine aquifère de l’Ogallala, l'une des plus vastes nappes phréatiques au monde. Mais en dépit de ce don du ciel (littéralement), les conditions de vie sont âpres au Nebraska : frigorifique l'hiver, torride l'été, c'est l'un des territoires les moins densément peuplés des États-Unis, demandant beaucoup de travail pour faire fructifier sa terre. Il est assez peu étonnant que Bruce Springsteen s’en soit inspiré pour enregistrer le disque le plus dépouillé et difficile d’accès de sa carrière.

Notre premier arrêt est pour Ron et Jeanne Crumly, un couple de fermiers dans le comté de O’Neill, issus d'une lignée qui vit depuis cinq générations sur ces terres. Elle est pimpante et volubile, lui est plus effacé et se déplace avec la raideur d’une vie à manier des engins agricoles. Ils ont découvert un beau jour, il y a trois ans, que l’oléoduc Keystone XL allait passer en plein sur leurs champs.

« Un soir, nous avons reçu un coup de téléphone à 21 h 30, une heure réservée pour les communications graves ou urgentes, se remémore Jeanne Crumly. Au bout du fil, un homme m’annonce : “Bonsoir, c’est TransCanada, nous allons vous prendre un bout de votre terrain pour construire un pipeline et vous serez dédommagés de tant de dollars. Nous passerons bientôt vous remettre les documents à signer. Merci, à bientôt.” C’était bref, sans politesse et sans discussion possible. » Jeanne fait une pause avant d’ajouter, avec l’approbation de Ron : « Cela ne m’a pas plu… »

Ron et Jeanne CrumlyRon et Jeanne Crumly © Jean-Marc Giboux

Des témoignages comme ceux-ci, il y en a des dizaines dans tout le Nebraska : les commerciaux de TransCanada qui appellent des familles, leur expliquent ce qui va se passer, offrent quelques dizaines de milliers de dollars et raccrochent. C’était évidemment la plus mauvaise façon de procéder avec ces ranchers fiers et rugueux. Ron Crumly prend la parole en relevant sa casquette d’une main : « Quand ils ont vu qu’on était sceptiques, ils ont commencé à nous bombarder de coups de fil, mais au fur et à mesure que je leur posais des questions techniques, auxquelles ils ne savaient pas répondre, sur la profondeur de l’oléoduc, sa résistance au mouvement des sols, les capacités d’intervention en cas de fuite, etc., leur seule réponse était : “Ne réfléchissez pas trop, il s’agit juste d’un pipeline !” » Sans élever la voix, il termine : « Pour TransCanada, il s’agit juste de réaliser un bénéfice. Pour nous, c’est notre gagne-pain et notre vie… »

Avec une poignée d’autres agriculteurs (beaucoup ont accepté de signer avec TransCanada sans se poser de questions), Ron et Jeanne Crumly commencent à se documenter, à discuter avec d’autres propriétaires, à participer à des réunions publiques d’information, dont celles d’opposants qui commencent à se structurer sous la bannière de l’organisation Bold Nebraska (le Nebraska audacieux). À chaque tour et détour de leur quête d’information,

via www.mediapart.fr

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