Sous l’embrouille fiscale, l’austérité à perpétuité – Page 1 | Mediapart

Dans un premier élan, on pourrait donc être enclin à penser que l’extrême désordre dans lequel la politique fiscale incohérente du gouvernement a plongé le pays a eu au moins un effet vertueux : enfin, Matignon a pris conscience qu’il fallait fixer un cap clair et revenir aux promesses de la campagne présidentielle. La révolte bretonne contre l’écotaxe, provisoirement suspendue, est aussi passée par là. C’est ce que suggère le premier ministre dans cet entretien : « Le système fiscal français est devenu très complexe, quasiment illisible, et les Français, trop souvent, ne comprennent plus sa logique ou ne sont pas convaincus que ce qu’ils paient est juste, que le système est efficace. Or, dans un État démocratique, l’impôt est un acte citoyen : c’est la contribution à l’effort collectif, c’est la base du pacte social. C’est la condition des prestations sociales et des services publics dont bénéficient les Français. Je crois que le temps est venu d’une remise à plat, en toute transparence, de notre système fiscal. À prélèvements obligatoires constants, je le précise bien. Jusqu’ici, nous avons répondu à l’urgence pour redresser la barre. Il nous faut désormais bâtir pour l’avenir. »

De prime abord, on pourrait donc se dire que le gouvernement aurait sûrement été mieux avisé d’organiser cette remise à plat dès le début du quinquennat de François Hollande, plutôt que d’y être contraint du fait de l’indignation multiforme qui secoue le pays depuis plusieurs semaines. Mais enfin, mieux vaut tard que jamais ! Et puisque dans le même entretien Jean-Marc Ayrault promet que la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG « fera partie du débat » – fusion qui constituait l’une des grandes promesses de François Hollande pendant la campagne présidentielle et qui avait été ensuite enterrée –, on pourrait se prendre à espérer que les dirigeants socialistes retrouvent, contraints et forcés, le chemin de la raison.

Et pourtant, non ! Il ne faut sans doute guère se faire d’illusions. Il y a malheureusement de fortes chances pour que ce rebondissement spectaculaire ne constitue qu’une incohérence de plus dans une séquence fiscale qui est devenue littéralement ubuesque. Deux indices plaident clairement pour cette interprétation : l’histoire fiscale elle-même ; et le profil de ces deux personnalités qui devraient arriver à Bercy.

Reprenons, d’abord, le fil de cette histoire fiscale abracadabrantesque. À la fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy, les socialistes étaient unanimes à défendre le projet d’une « révolution fiscale ». Considérant à juste titre que l’impôt sur le revenu, truffé d’exonérations, de « niches » et d’abattements en tous genres, était devenu une passoire, et qu’il était même devenu dégressif, les plus hauts revenus étant les premiers bénéficiaires de tous ces passe-droits. Ils ont cherché une solution pour reconstruire un impôt citoyen et progressif, plus conforme à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et notamment de son article 13 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. » C’est cet article 13, ayant valeur constitutionnelle, qui édicte donc que la fiscalité française doit reposer sur un système progressif.

À l’époque, les socialistes se sont inspirés du projet de l’économiste Thomas Piketty, qui proposait de supprimer purement et simplement l’impôt sur le revenu, trop déstabilisé depuis trop longtemps pour être reconstrui

via www.mediapart.fr

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