Penser la Commune « comme autre mesure de la richesse sociale » – Page 2 | Mediapart

Lorsque le slogan « Vive la Commune ! » a commencé à résonner dans les réunions des travailleurs à travers Paris, pendant les dernières années de l'Empire, l'émotion et la charge affective attachées au mot « commune » dépassaient de loin toute signification associée au mot. Les travailleurs voulaient être libres d'organiser leur propre vie sociale selon les principes de l'association et de la coopération.

Ils voulaient substituer une organisation décentralisée et communale, c’est-à-dire une coopération directe de toutes les énergies et les intelligences, au gouvernement permanent. Le mot « commune », bien sûr, faisait écho à l'aspect le plus radicalement démocratique de la Révolution française. Et le mot exprimait aussi une forte volonté d’autonomie locale.

Chute de la colonne Vendôme (photographie de Franck).Chute de la colonne Vendôme (photographie de Franck).

Des concepts comme l’État et la nation étaient, bien sûr, absents de tout cela. Les communards ne voulaient pas former un État, mais plutôt une unité dans une fédération de communes qui serait au bout du compte internationale dans sa portée. L’imaginaire communal était profondément non national dans sa forme, opérant à une échelle à la fois plus petite et plus grande que celle de la nation. Selon les mots de l'un de ses participants les plus connus, Gustave Courbet, pendant la Commune, « Paris ne voulait pas être la capitale de la France ». Le Paris des communards voulait être une unité autonome dans une fédération internationale de communes.

Ce sont quelques-uns des fils qui, tissés ensemble, constituent ce que j’appelle le « luxe communal ». La phrase est d’Eugène Pottier ; elle est tirée du manifeste qu’il écrivit avec d'autres artistes pendant la Commune, alors qu’ils s’organisaient en fédération. « Nous travaillerons pour notre régénération, pour le luxe communal, et pour la République Universelle. » À un niveau élémentaire, ce que Pottier et ses camarades artistes entendaient par « luxe communal » était quelque chose comme « beauté publique », c’est-à-dire l’amélioration des espaces publics dans chaque ville et dans chaque village, le droit pour chacun de vivre et de travailler dans un environnement agréable.

Élisée Reclus, par Nadar.Élisée Reclus, par Nadar.

Cela peut passer pour une revendication mineure mais si la beauté devait réellement s’épanouir dans les espaces publics et pas seulement dans les salons privés, cela signifierait un art pleinement intégré à la vie quotidienne. Cela signifierait transformer les coordonnées esthétiques de la société tout entière. Et, comme le communard Élisée Reclus et son compagnon de voyage William Morris le savaient bien, cela constituait l’ébauche d'un programme écologiste.

L'expression « luxe communal » avait également une dimension polémique. Elle était utilisée pour contrer l'image « misérabiliste » de la vie sous la Commune, que les Versaillais s’occupaient à propager dans la campagne française. Partager, pour les Versaillais, ne pouvait dire que partager la misère. Le « luxe communal » répliqua à cette propagande au moyen d’une image d’égalité dans l'abondance, un monde où chacun aurait sa part du meilleur.

Le 

via www.mediapart.fr

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