C'est une petite station-services comme il n'en existe presque plus. Elle s'appelle « Entre-deux-ponts » et se trouve en plein centre de Pont-Saint-Esprit (Gard), splendide petite ville en pierres qui surveille le Rhône.
Ici, les pompes ont l'air d'avoir cent ans et sont non-automatisées. Elles pourraient se vendre au moins mille euros, aux puces. Il y a aussi un garage, des rouleaux de lavage, un aspirateur, un gonfleur de pneus. Une boutique où l'on trouve des tripes, des bonbons Haribo, des canettes de Redbull, des piles, du matériel de pêche et des petits arbres désodorisants fluos.
Enfin, un comptoir où discuter (devant un « casse-croûte à 2,50 euros ») et huit bouteilles de soda surchauffées qui attendent au-dessus de la caisse. Immobiles depuis l'été, à côté de trois plaques d'immatriculation. On ne sait plus où donner de la tête, un enfant pourrait devenir fou.
Les adultes eux n'y voient rien de merveilleux. Ce sont les prix de l'essence qui leur crèvent les yeux. Entre deux rafales de Mistral, ils nous ont raconté.
« Honteux », « trop cher », « voleurs », disent-ils, dans un grognement avant de se refermer et de regarder les chiffres de la pompe défiler. Quelques-uns ont accepté de nous en dire un peu plus : ils ne mettent plus un rond de côté, mais ne peuvent pas se passer de leur bagnole.
- Thierry, 44 ans, électricien.
- Jeanne, 42 ans, aide à domicile au chômage.
- Maurice, 53 ans, auxiliaire de vie.
- Anne, 51 ans, infirmière libérale.
- Pascal, 36 ans, maçon.
- Fabian, ancien pompier devenu magasinier.
Thierry, 44 ans, électricien
« La flambée des prix des carburants me ruine. A la place, j'aimerais terminer ma maison. »
Pour aller travailler à la centrale du Tricastin, il roule à peu près 40 km par jour, dans la voiture couleur vert d'eau « passé » qui appartenait à son père. Ça fait deux-trois pleins par mois et « c'est pas mal » (à peu près 200 euros). Electricien, Thierry gagne 1 600 euros par mois.
L'essence le ruine (presque). Lui n'est pas encore dans le besoin, mais il connaît des collègues qui commencent à l'être. Avec sa femme aide-soignante, ils arrivent à mettre 200 euros de côté par mois, pour les coups durs. Une machine à laver qui lâche, par exemple.
via eco.rue89.com