Le président Sarkozy, ancien avocat, est un habile rhéteur. Mais, il est aisé, en prenant un peu de recul, de démonter quelques ficelles rhétoriques utilisées, et décortiquer les mécanismes concrets de son argumentation, faite de roublardises de prétoire, parfois de mensonges.
S'attribuer une mesure et son succès
« Lorsque j'ai créé le fichier d'empreintes génétiques pour les délinquants sexuels, souvenez-vous en 2003 le scandale que cela a fait. Aujourd'hui, on retrouve un coupable de viols sur deux ! »
Le fichier national automatisé des empreintes génétiques (Fnaeg) a en fait été créé en 1998 par la loi Guigou (garde des Sceaux du gouvernement Jospin) relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles. La loi pour la sécurité intérieure de 2003 à laquelle Sarkozy fait ici allusion a permis d'étendre ce fichier génétique à toutes les personnes à l'encontre desquelles il existe « des raisons plausibles de soupçonner qu'elles ont commis une infraction ».
En aucun cas, donc, il n'a « créé » ce fichier contre les délinquants sexuels, et en aucun cas le tollé que cette disposition a effectivement causé à l'époque n'était lié au fait de prendre les empreintes génétiques des délinquants sexuels.
Il s'attribue donc mensongèrement la paternité d'une mesure prise avant lui, en l'associant à un climat de scandale qui portait sur autre chose, et en enchaînant avec un « aujourd'hui », il fait un lien explicite entre le succès annoncé après (un viol sur deux élucidé) et la mesure, tout en sous-entendant que les belles âmes qui auraient alors protesté avaient bien tort car sa mesure est efficace.
Effacer ce que l'on a dit en jouant sur l'émotion
Extrait d'un reportage. Marc Fricoteaux, juge au tribunal de grande instance de Nantes, déclare :
« Voir accusés nos collègues, qui ont dénoncé le manque de moyens pour ne pas pouvoir assurer le suivi comme il le fallait, c'était tout à fait intolérable. Et je crois qu'il y a là une exaspération. C'était je crois, la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. »
Nicolas Sarkozy commence par saluer l'action des juges dans leur ensemble. Puis :
« Ce magistrat, et c'est parfaitement son droit de le dire, dit : “ Ah, quand même le président de la République a dit : ‘S'il y a une faute, elle doit être sanctionnée.’” Il a raison : c'est ce que j'ai dit. […].
Et j'ai répondu aux parents de Laëtitia, je vous promets, je vais voir précisément ce qui s'est passé et s'il y a des fautes, il y aura des sanctions. »
Ce qu'a dit le juge n'est pas du tout la façon dont Nicolas Sarkozy en rend compte. Car « voir accusés » est une assertion. Dans la bouche du magistrat, cela repose sur l'idée que l'accusation a effectivement été prononcée, et non pas qu'elle est hypothétique, à venir.
Pourtant Nicolas Sarkozy rapporte les propos bien autrement : « S'il y a une faute, elle devra être sanctionnée. » Voici exactement ce que le président de la République avait déclaré la semaine précédente :
« Quand on laisse sortir de prison un individu comme le présumé coupable sans s'assurer qu'il se
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