Oui, un Nobel d’économie peut raisonner comme un abruti | L’Humanité

Alors que s’ouvre aujourd’hui la conférence de Paris pour tenter de trouver les voies d’une limitation de la hausse de la température du globe à + 2°C d’ici la fin du siècle en cours, Jean Tirole continue d’affirmer que cela dépend, exclusivement et miraculeusement, du prix de la tonne de carbone sur le marché mondial des droits à polluer.
Le 5 juin dernier je posais la question suivante comme titre d’un article sur l’Humanité.fr : « Un Nobel d’économe peut raisonner comme un abruti?». La question visait nommément Jean Tirole qui, avec son collègue Christian Gollier de l’école d’économie de Toulouse, considérait dans le Monde daté de ce même jour qu’une taxe carbone suffisamment élevée permettrait de réduire miraculeusement les émissions de gaz à effet de serre sans rien changer au fonctionnement de l’économie libérale mondialisée.
 
Dans le supplément économique du Monde daté du 28 novembre, Jean Tirole récidive dans le cadre d’un entretien croisé avec Antoine Frérot, PDG de Veolia. L’entretien s’étale sur une page entière du quotidien du soir et n’a, de manière générale, que peu d’intérêt. A une question de la rédaction sur l’intérêt de « l’économie circulaire » basée sur le recyclage des matières premières, Jean Tirole répond « pourquoi pas?». Puis il ajoute à l’adresse de son compère Frérot : « Le jour où il y aura un prix du carbone décent, cela donnera à Veolia l’occasion d’en faire plus ». Car Tirole en est sûr, « une fois le signal (par le prix NDLR) donné, tout le monde va s’y mettre, les chercheurs, les industriels, les ménages ».
 
Il se garde toutefois de préciser que les industriels auront la possibilité de répercuter le coût de la taxe carbone dans leurs prix de vente tandis que les ménages n’auront plus qu’à payer plein pot, si, par exemple , il n’ont pas d’autre possibilité que d’utiliser leur voiture pour aller au travail. A la question de savoir comment rendre un tel accord contraignant pour des pays qui ne voudraient pas prendre d’engagements à Paris tout en profitant des efforts faits par les autres , Antoine Frérot avance la proposition suivante : « Et même si on n’y arrivait qu’au niveau de l’Union européenne, on pourrait taxer les produits qui entrent dans l’Union en fonction de la quantité de carbone émise pour les produire et les acheminer. Ce serait une taxe carbone à la frontière».
 
Réplique immédiate de Jean Tirole : « Les taxes aux frontières, c’est à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) de la décider, pas au gouvernement français ou à l’Europe. On ne peut pas être juge et partie, il faut faire attention à cela. Même si je pense, bien sûr, que les pays qui n’ont pas de prix du carbone ou des prix très faibles font du dumping environnemental ». Ce demi-aveu de Jean Tirole mérite un développement auquel les lecteurs du Monde n’ont pas eu droit.
 
Il faut ici faire un peut d’histoire et rappeler ce que fut la conclusion du cycle des négociations commerciales de l’Uruguay round qui s’est achevé par l’accord de Marrakech en 1994. Basé sur des baisses de tarifs douaniers aux frontières, surtout à celles des pays capitalistes développés, cet accord a favorisé les délocalisations de productions industrielles vers les pays à bas coûts de main d’œuvre. Les industriels ont joué à fond et jouent toujours la carte du dumping social et environnemental, tandis que les grandes enseignes de la distribution ont accentué la pression pour obtenir des prix d’achats toujours plus bas afin d’avoir des marges bénéficières toujours plus élevées. C’est de cette manière que le coût de la main d’œuvre po

via www.humanite.fr

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