Oliver Stone, For ever en colère | Next

«La bête est-elle calmée ?» Oliver Stone s’énerve quand on lui pose la question. Même s’il boit de l’eau, a remplacé les drogues, longue addiction contractée à la guerre du Vietnam, par la méditation, nous parle d’une voix douce… L’homme, qui a gardé la carrure forte d’un ancien US marine, est précédé des qualificatifs accolés à son identité de «grand cinéaste». Il est, dans la presse américaine, «un cinéaste radical» (comprendre «gauchiste»), controversé, atypique, provocateur… Dans les années 50, du temps du maccarthysme, on l’aurait traité de rouge, de communiste, et on l’aurait viré de Hollywood.

Aujourd’hui, l’Amérique ne chasse plus les sorcières, la guerre froide n’est plus. Oliver Stone, couronné d’oscars comme scénariste pour Midnight Express ou comme réalisateur des historiques Platoon et Né un quatre juillet, couvert de prix par ses pairs de la Directors Guild of America, de la Writers Guild of America, etc, et qui a fait tourner les plus grands acteurs de Hollywood dans des superproductions, peut toujours réaliser des blockbusters pour les grands studios. Savages, son nouveau film, est de fait financé par Universal et affiche John Travolta, Benicio Del Toro et Salma Hayek. Et dans cette Amérique qu’il trouve «moins démocratique que le Venezuela de Hugo Chávez», le cinéaste peut faire la promo des «ennemis» dans un documentaire idolâtre sur le comandante Fidel Castro, suivi par South of the Border, un road-movie dont les héros sont les présidents d’Amérique latine symboles de l’antiaméricanisme contemporain. «Chávez, Lula, Corea, Morales… je les admire tous parce qu’ils ont résisté, changé le système, déclare Stone avec enthousiasme. Je vous rappelle qu’ils ont été élus démocratiquement par leur peuple. Mais pour les Américains, c’est "une mauvaise gauche".»

Ses documentaires à contre-courant ne l’empêchent pas de rester dans la bulle confortable de Hollywood. Artiste pas si maudit même s’il adorerait qu’on en rajoute. Le dossier de presse de Savages n’hésite pas à surfer là-dessus : «Cinéaste contestataire, ses œuvres suscitent souvent la controverse.» C’est dire si l’image sulfureuse lui convient.

«En colère, tourmenté, déchiré», dit-il. Ses films collent à son histoire. Il en déroule volontiers le fil psychanalytique qui sous-tend sa carrière. Le Vietnam d’abord. Matrice originelle. Le père, déjà, avait fait la guerre. La Seconde Guerre mondiale. Officier américain, il avait dragué à Paris la future mère (française) d’Oliver. «Elle a laissé tomber son fiancé français pour mon père, ce que je ne comprends toujours pas, raconte Stone en riant. Le prestige de l’uniforme peut-être ? Plus tard, j’ai rencontré le fiancé français, un type génial. Mon père et ma mère n’étaient pas faits pour être ensemble

Le divorce est moche se souvient l’enfant unique : «Mon père est furieux, ma mère se paie de jeunes amants, je n’avais plus de famille, je voulais me casser de New York.» Il essaie la respectable université de Yale, dans la classe de Bush junior «et d’autres enfoirés qui arriveront tous au pouvoir». Bush junior aura droit plus tard à sa biographie filmée par son ancien voisin de classe, W., l’improbable président, portrait hilarant et cruel du président des Etats-Unis. «Yale, ce n’était pas pour moi, je ne savais pas quoi faire. J’avais écrit un bouquin qui n’avait pas marché. Je lisais Joseph Conrad et Hemingway, je voulais voir quelque chose, la vie. Oui, je suis attiré par la guerre, j’étais croyant, je pensais que Dieu déciderait de mon sort.»

A 18 ans, il prend la mer, s’embarque sur des navires marchands, finit à Saigon et s’engage dans l’armée. La sale guerre du Vietnam, comme simple soldat d’infanterie, pas officier comme son père. Blessé, il sera décoré de la Purple

via next.liberation.fr

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