Nous sommes tous des animaux sensibles, par Philippe Reigné – Libération

TRIBUNE

«Savez-vous que j’ai souvent l’impression de ne pas être vraiment un être humain, mais un oiseau ou un autre animal qui a pris forme humaine ?» On peut lire cette étonnante confession dans l’une des Lettres de prison écrites par Rosa Luxemburg (1). La célèbre théoricienne et militante internationaliste poursuit : «A vous, je peux bien le dire ; vous n’allez pas me soupçonner aussitôt de trahir le socialisme. Vous le savez, j’espère mourir malgré tout à mon poste, dans un combat de rue ou un pénitencier. Mais, en mon for intérieur, je suis plus près de mes mésanges charbonnières que des "camarades".» On aurait tort de refuser toute portée politique à ces déclarations en y voyant la marque d’une sensibilité exacerbée. Dans la même lettre, quelques lignes plus haut, Rosa Luxemburg déplore la disparition des «oiseaux chanteurs» d’Allemagne en l’attribuant à l’extension de la «culture rationnelle […] qui détruit peu à peu les endroits où ils nichent». Elle établit alors une comparaison avec les «Peaux-Rouges en Amérique du Nord», remarquant qu’«eux aussi sont peu à peu chassés de leur territoire par l’homme civilisé et sont condamnés à une mort silencieuse et cruelle». Avec plus d’un demi-siècle d’avance sur ses contemporains, Rosa Luxemburg ébauche ce qui, chez les partisans du mouvement de libération animale, deviendra la double analogie espèce, sexe, race.

via www.liberation.fr

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