Noirs : des historiens mettent fin au black-out – Libération

L’intégration et la diversité, un défi pour la France en 2012 ? Voilà bien le genre de question qui peut faire bondir Pascal Blanchard. Cet historien est déjà l’auteur de plusieurs ouvrages sur la question coloniale, et l’immigration, à travers lesquels il n’a eu de cesse d’interroger l’imaginaire associé à ces minorités d’autant plus «visibles» que la couleur de leur peau les identifient d’emblée comme venant d’ailleurs. Mais c’est l’ouvrage récemment publié sous sa direction et consacré à l’histoire des Noirs de France (lire ci-dessous), qui constitue peut-être l’étude la plus surprenante jamais consacrée à ces «étrangers de l’intérieur» : Africains ou Antillais, immigrés ou descendants d’immigrés, installés en France depuis bien plus longtemps qu’on ne nous le laisse croire. De Pap NDiaye à Catherine Coquery-Vidrovitch, d’Achille Mbembe ou Elikia Mbokolo à Françoise Vergès, nombreux sont les auteurs de référence qui ont cosigné les chapitres de ce livre «écrit à vingt mains». Comme dans les documentaires diffusés sur France 5 (lire page ci-contre), on y découvre des faits souvent oubliés, qui éclairent différemment les débats toujours brûlants, et si souvent manipulés, de l’intégration, et de la citoyenneté. Alors que l’étranger, l’Autre, «l’immigré qui fraude» restent les proies faciles des surenchères électoralistes à venir, un petit retour sur le passé remet quelques pendules à l’heure. Entretien avec Pascal Blanchard.

Pourquoi publier la France noire aujourd’hui ?

D’abord, parce qu’on n’aurait pas pu le faire avant. Aucun éditeur n’aurait pris le risque de mettre autant de moyens pour faire un beau livre sur un sujet pareil, en considérant qu’il s’adresse à tous, et pas seulement aux Africains et aux Antillais. Vous avez remarqué qu’il n’y a toujours pas de rayon «immigration» dans les Fnac ? Mais l’opinion, elle, est en train de changer. Il y a une curiosité nouvelle, un état d’esprit qui refuse de tout ramener au communautarisme. D’ailleurs, le succès du livre, à peine publié, en témoigne. Nous avons aussi réalisé cette série documentaire qui passe sur France 5 et monté une exposition itinérante qui accompagne le livre. Dès la fin de l’année dernière, on a été submergé de demandes de la part des régions pour avoir l’expo.

Comment expliquez-vous un tel succès ?

C’est en partie dû à l’émergence d’une nouvelle génération. Ils sont d’origine africaine ou antillaise, mais leur vie se construit ici. C’est la première génération pour laquelle cet ancrage est aussi massif. Avec quelle identité ? A la différence d’un Polonais ou d’un Italien, dès qu’ils rentrent dans une pièce, ils sont tout de suite repérés comme venant d’ailleurs. Et puis il y a des gens comme moi, qui ont des copains noirs, qui ont banalisé cette réalité, sans en connaître l’histoire. Voilà quinze ans que je connais Pascal Légitimus, pourtant, j’ai longtemps ignoré que sa famille est en France depuis cing générations, que son arrière-grand-père était le premier député de la Guadeloupe à l’Assemblée et que sa grand-mère montait sur scène avec Joséphine Baker. Aujourd’hui, nous vivons la génération des éclaboussures impériales, celles des non-dits raciaux. Je ne veux plus être uniquement l’héritier d’une couleur : c’est ce que se disent beaucoup de jeunes Noirs en France. On a toujours l’impression qu’ils viennent d’arriver, alors que c’est une vieille histoire.

Et que nous apprend cette «vieille» histoire ?

Elle nous révèle qu’en 1750, quand un Noir rentrait dans une boulangerie, personne ne se retournait d’étonnement. Ils étaient déjà plus de 5 000 à l’époque ! Le premier député noir a été élu en 1793 ! Il y avait 46 Noirs à l’Assemblée nationale en 1950. A ce niveau-là, ce ne sont plus des exceptions. Aucun membre de l’UMP ne sait que le premier maire noir de France, Raphaël Elizé, a été élu en 1929 à Sablé-sur-Sarthe, la ville de François Fillon ! Et qu’on ne me pa

via www.liberation.fr

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