Mediator: la justice cible des experts médicaux en plein conflit d’intérêts – Page 1 | Mediapart

Auditionné par les magistrats instructeurs, le professeur Charpentier a reconnu avec un humour involontaire : « Ça m’a beaucoup étonné de voir le Mediator sortir comme antidiabétique, car ça n’a rien à voir ni sur le plan expérimental, ni sur le plan clinique. C’est vrai, il diminue la faim. » Selon Charpentier, le produit était principalement anorexigène, mais avait également une action faible « sur les lipides et les glucides ». Et de résumer : « Il y a eu déviation quand ils (les laboratoires) ont fait de cette action secondaire l’action principale pour qualifier cette molécule d’antidiabétique. »

Il est donc clair, d’après le professeur Charpentier, que Servier a transformé un anorexigène en antidiabétique. Il est tout aussi clair que le professeur a contribué à cette manipulation. Après avoir cessé de travailler pour Servier à partir de 1978, il a continué à être rémunéré par le groupe, qui lui a versé près de 400 000 € de 1978 à 1995, sans que l’on sache pour quel service…

Mis en examen pour corruption, Charpentier ne devrait pas se sentir trop isolé. Selon les informations communiquées par le procureur de la République, François Molins, parmi les quinze personnes physiques mises en examen, huit sont des experts ou des dirigeants de l’agence du médicament qui ont eu des activités de conseil pour Servier. S'ajoutent à eux une avocate qui a défendu le laboratoire ; une dirigeante d’entreprise qui a servi d’intermédiaire entre Servier et certains de ses conseillers ; et une ex-sénatrice, Marie-Thérèse Hermange, à qui l’on reproche d’avoir cherché à modifier un rapport sur le Mediator dans un sens favorable au groupe. Les quatre dernières personnes mises en examen étant Jacques Servier et trois dirigeants de sa société.

Au total, sur quinze mises en examen de personnes physiques, quatorze visent au moins l’un des chefs suivants : corruption, prise illégale d’intérêts, trafic d’influence, participation illégale d’un fonctionnaire dans une entreprise précédemment contrôlée, complicité ou recel d’un de ces délits (l’exception étant Jacques Servier lui-même, mis en examen des chefs de tromperie, escroquerie, obtention indue d’autorisation, homicide et blessures involontaires). Une part importante du dossier est donc consacrée aux liens illicites entre le fabricant du Mediator et certains experts. Mention spéciale à la commission d’AMM, littéralement noyautée par le groupe Servier depuis un quart de siècle. Cette commission, intégrée en 1993 à l’Agence du médicament (rebaptisée Afssaps puis ANSM), a pour rôle d’évaluer les demandes d’autorisation de mise sur le marché.

Pas moins de cinq

via www.mediapart.fr

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