C'est l'histoire d'une femme qui n'existait pas, bien que toute une série de documents officiels aient attesté son existence. Et cela, alors même que son dossier figurait dans l'étude IPPHS, l'enquête épidémiologique de référence sur les anorexigènes. Et qu'elle avait contracté une hypertension pulmonaire, diagnostiquée en janvier 1993, après avoir pris de l'Isoméride et du Mediator entre 1990 et 1992. Elle n'avait pas d'autre facteur de risque connu. Si son cas avait été pris en compte, le Mediator aurait été retiré du marché en 1997, en même temps que les deux coupe-faims de Servier, l'Isoméride et le Pondéral, et il n'y aurait pas eu de scandale sanitaire.
Mais cette patiente inconnue n'existait pas… ou plutôt elle n'était pas censée exister! Depuis que l'affaire Mediator a éclaté, les experts concernés ont affirmé sans relâche que le Mediator n'était pas apparu dans l'IPPHS (International Primary Pulmonary Hypertension Study). Cette étude, présentée par nombre de spécialistes comme un modèle du genre, a été réalisée en 1992-1994 sous la direction de l'épidémiologue Lucien Abenhaim, qui sera directeur général de la santé de 1999 à 2003. L'IPPHS avait été commanditée par le groupe Servier à la suite de la découverte par les pneumologues de l'Hôpital Antoine-Béclère d'une série de cas d'hypertensions pulmonaires chez des patientes qui avaient pris de l'Isoméride. Elle montrera dès 1994, et confirmera dès 1995, qu'un risque d'hypertension pulmonaire est associé à la prise d'anorexigènes, et particulièrement de fenfluramine, la molécule active de l'Isoméride et du Pondéral. A la suite de cette découverte, l'Agence du médicament décide, en mai 1995, d'encadrer sévèrement les prescriptions d'anorexigènes. Mais le Mediator reste commercialisé, car, d'après les experts, il n'est pas classé comme anorexigène.
Le rapport de l'IGAS (Inspection générale des affaires sociales) sur le Mediator, rendu public le 15 janvier dernier, qualifie l'IPPHS de «travail de pharmaco-épidémiologie novateur», qui va «structurer la période 1993-1995 au regard des décisions prises». Les inspecteurs décrivent 1995 comme l'année d'une «première occasion manquée». Ils soulignent : «La situation scientifique et administrative va se cristalliser autour des résultats de l'étude IPPHS, communiqués de façon confidentielle le 7 mars 1995 qui conclut à l'existence d'un risque d'HTAP lié à l'usage des anorexigènes en général et des fenfluramines en particulier.»
Il est donc clair aux yeux de l'IGAS que si le Mediator avait été mentionné comme facteur de risque par l'IPPHS, il aurait fait l'objet des mêmes mesures que l'Isoméride et le Ponderal. Mais il est tout aussi clair que si les experts ignoraient que le Mediator était un anorexigène apparenté aux deux autres, ils n'avaient pas de raison de s'en inquiéter. C'est pourquoi les rapporteurs de l'IGAS parlent d'occasion manquée. Mais trois documents révélés par Mediapart montrent que plutôt que d'une occa
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