C'est en tant que médecin, plus qu'écrivain, que vous existez sur la toile….
Sans doute parce qu'en France on continue à faire la différence entre une littérature perçue comme « noble » (focalisée sur le style et l'expression des idées) et les littératures dites « populaires » ou « de genre » (focalisée sur les personnages, les cadres et les récits). Je suis classé dans la deuxième catégorie. Mes livres sont plutôt perçus comme ceux d'un médecin-qui-écrit que comme ceux d'un écrivain de littérature. Mon dialogue avec les lecteurs et mon intérêt pour des sujets très « populaires » (la médecine, la télévision, Internet) – mais non directement littéraires – renforcent cette image, je pense.
Cela dit, s'il n'y avait pas le web, j'aurais les mêmes relations avec mes lecteurs et POL – je les avais déjà sans le web, quand j'ai commencé à publier, et quand je suis devenu connu avec La maladie de Sachs et ça s'est surtout démultiplié à partir de la création du site en 2003. Mais le web permet de réduire un grand nombre de délais dans l'échange d'information.
Je n'aurais pas pu faire ma chronique sur Inter si je n'avais pas eu le web, ça m'aurait pris beaucoup plus de temps. Ce qui est drôle, c'est que les journalistes d'Inter, à l'époque, n'arrêtaient pas de me dire que je courais des risques à aller prendre les infos sur le Net. Pour eux, il fallait interroger des « experts ». Alors que le Net permet de recouper les informations (ce qu'une interview unique ne permet pas).
Et les auditeurs, eux, me félicitaient de la pertinence de mes informations, qui provenaient des experts que j'avais contactés par courriel au vu de leur site, et non au travers de contacts personnels. Je pense que si l'accès à Internet en 94-95 m'a incontestablement permis de créer de nouvelles relations avec des gens très éloignés (et que souvent, je ne connais que par courriel, pour ne les avoir jamais rencontrés), le web (et mes expériences de publication sur le site POL en 2002 et 2002 : Légendes et Plumes d'Ange, m'ont permis d'établir un DIALOGUE avec les lecteurs.
Grâce aux lecteurs qui recevaient Plumes d'Ange en feuilleton, j'ai retrouvé les itinéraires que faisait mon père quand il partait en vacances l'été en Haute-Loire avec les autres « fils de tués » d'Afrique du Nord, et j'ai aussi retrouvé le lieu où est enseveli mon grand-père, mort en février 1915 près d'Arras. Grâce à la lecture et au retour quotidien de ce feuilleton, j'ai pu inclure ces découvertes – faites grâce aux lecteurs en ligne – à l'intérieur même de la narration et donc, du livre publié. Ce sont des expériences inestimables.
L'écriture pour Internet a t elle influencé votre écriture tout court ?
C'est plus que probable, mais je ne sais pas en quoi. Je penche plus pour une « facilitation », une « extension » de mon travail que pour une « influence » réelle. L'an dernier, j'ai publié Updike et moi, une traduction que j'avais faite d'un livre de Nicholson Baker en 1991 ou 1992. John Updike venait de mourir. Ma traduction n'avait pas été publiée à l'époque, et je l'ai proposée à Dominique Bourgois qui l'a acceptée tout de suite.
En la relisant, je me suis demandé comment j'avais fait pour comprendre et traduire les innombrables allusions littéraires ou culturelles qui parsèment le texte de Baker. En 1992, il n'y avait ni web ni courriel à ma disposition et j'étais un écrivain et un traducteur inconnus. Mais j'avais des tonnes d'encyclopédies et j'étais tout le temps fourré dans les bibliothèques. Je faisais donc déjà du travail sérieux et documenté. Le web a facilité tout ça, mais est-ce que ça a vraiment influencé mon écriture ? Je ne sais pas.
Je crois qu'on est surtout influencé par les auteurs qu'on lit beaucoup. J'ai lu beaucoup d'écrivains de SF et de roman policiers et de li
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