Martin Luther King, l’insoumis – à propos de Selma et de la vie de MLK, par Philippe Marlière

La jeune cinéaste Ava DuVernay vient, avec Selma (2015), de réaliser un très grand film consacré à un épisode crucial de la lutte des Noirs pour l’égalité civique aux États-Unis. Cette œuvre rompt avec la représentation aseptisée de Martin Luther King, l’orateur œcuménique de I Have A Dream, et redonne au combat de King sa dimension révolutionnaire et pleinement spirituelle.

Le portrait qui se dégage de ce film n’est pas celui d’un dirigeant soumis et adepte du compromis, mais un leader, un héro de la communauté noire ; un individu, dont on souligne à la fois les qualités et les défauts ; un combattant des droits qui a su imposer aux Blancs son agenda politique.

Héro et paria

Si Martin Luther King est aujourd’hui universellement admiré, il n’en a pas toujours été ainsi. À la veille de son assassinat en 1968, une large majorité d’Américains avait une opinion très négative de lui. Le rôle principal est joué par David Oyelowo, qui incarne King de manière émouvante et subtile. L’acteur britannique recrée le pasteur baptiste tel qu’il était : il met en scène son militantisme intelligent et courageux, ainsi que sa stratégie spirituelle qui repose sur un appel à la décence, à la tranquille humanité des religieux et des laïcs. Cette démarche pragmatique a assuré le succès de son combat. Le charisme de King n’est pas fortuit ou feint : il parle vrai et agit vrai, et le peuple le sait.

L’action débute à Stockholm en 1964. Accompagné de son épouse Coretta (Carmen Ejogo), Martin Luther King s’apprête à recevoir le prix Nobel de la paix. Respecté et admiré dans le monde, King est presque un paria dans son pays. De retour aux États-Unis, il décide de mener campagne en faveur du droit de vote des Noirs dans le sud du pays. En 1965, il se rend à Selma, petite ville dans l’État ultra-conservateur d’Alabama.

À partir de 1963, le Student Nonviolent Coordinating Committee tente de faire inscrire les Noirs sur les listes électorales, sans grand succès. Ce droit est pourtant théoriquement acquis, mais des fonctionnaires racistes le piétinent en toute impunité, avec le soutien implicite des autorités élues. Une scène montre Annie Lee Cooper (Oprah Winfrey), une résidente de Selma, tenter de faire enregistrer sa demande d’inscription. Bien que le formulaire soit parfaitement en règle, un fonctionnaire suprémaciste la rejette dans un geste d’arbitraire d’une violence inouïe.

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Martin Luther King et Coretta marchent entre Selma et Montgomery (mars 1965)

Martin Luther King est reçu à la Maison blanche par le président Lyndon B Johnson (joué par un autre acteur britannique, Tom Wilkinson), fraîchement élu. Le militant des droits civiques demande au président de faire cesser ces pratiques discriminatoires et illégales. Johnson, alors engagé dans la guerre du Vietnam, botte en touche, estimant que le droit de vote est “techniquement” déjà accordé à travers le Civil Rights Act de 1964. Sans soutien politique, King n’a pas d’autre choix que de mener la lutte sur le terrain.

Un pays institutionnellement raciste

Le sud des États-Unis, au milieu des années 60, est institutionnellement raciste ; un racisme encouragé par le gouverneur réactionnaire George Wallace (Tim Roth). Ce mode de gouvernement est mis en pratique de manière débridée par une police locale, mi-milice, mi-organisation fasciste. À son arrivée dans un hôtel, de la ville, King est frappé au visage par le propriétaire des lieux qui refuse

via blogs.mediapart.fr

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