Dans le ciel islandais, ce n’est pas seulement la fumée des volcans qui assombrit l’avenir. La crise, vécue comme une parenthèse dans de nombreux pays européens, a laissé des failles béantes dans la petite république. Au séisme économique, qui mit l’île en faillite et au bord de l’émeute, s’ajoute une secousse politique sans précédent. Depuis la démission du gouvernement de droite fin 2008, et l’élection sans triomphe d’une coalition socio-démocrate, les citoyens se sont emparé de leur destin et ont désigné une poignée des leurs pour rédiger une nouvelle Constitution. Une révolution ? Ni coupeurs de têtes ni serments à la vie à la mort dans l’Assemblée constituante de Reykjavik. Seulement vingt-cinq Islandais, désignés par leur peuple pour tourner la page de l’effondrement de leur petit pays. Et retourner au temps béni de la prospérité, mise à mal par une poignée de banquiers.
Faible participation
Depuis le 6 avril, chaque matin, Örn Bardur Jonsson attache son VTT au bas d’un immeuble banal, à dix minutes du centre de Reykjavik. «Notre premier devoir, donner l’exemple, dit-il, on essaie d’utiliser le moins possible la voiture.» Jean, baskets, chemise à carreaux, Örn est un pasteur luthérien, libéré par son Eglise le temps de la rédaction de la Constitution. En novembre, il s’était présenté sans y croire. «Je voulais faire campagne, distribuer des tracts à la sortie de l’office, mais je n’en ai même pas eu le temps. Il a suffi que je me présente sur Internet pour être élu.» Sur 522 candidats, (à l’échelle de la France, il y en aurait eu 109 000), les 25 ont été désignés lors d’un vote qui n’a pas déplacé les foules (35,95 % de participation), malgré plusieurs mois de protestation populaire.
A 62 ans, Örn Bardur Jonsson a débuté une nouvelle carrière de législateur, avec vingt-quatre autres citoyens tout aussi novices. La Constituante islandaise, composée d’autant d’hommes que de femmes à un membre près, est surtout représentative de l’intelligentsia de la capitale : deux avocats, huit universitaires, trois figures médiatiques, deux artistes, trois médecins, des hommes d’affaires, quelques syndicalistes… et un pasteur influent, Örn. Chargé, entre autres tâches, d’organiser la séparation de l’Eglise et de l’Etat.
Ce pasteur n’est pas né du dernier déluge. Père de quatre enfants, ancien fan des Beatles et de Queen, il a été chef d’entreprise avant d’être ordonné en 1984. Il fut aussi un chroniqueur de presse en vue. Cela lui a valu les foudres de David Oddsson, Premier ministre de 1991 à 2004. Dans une des histoires d’Örn, un petit malin du gouvernement parvenait à vendre la plus haute montagne d’Islande à des pays crédules. Mais l’édifice s’écroulait durant le transport, faisant perdre la face à l’Etat. Pour accompagner ce symbole de l’Etat corrompu, un dessin qui ressemblait fort à David Oddsson. Le pasteur Örn, alors chargé des préparatifs du jubilé de la présence chrétienne en Islande, cérémonie qui rassemble les huiles du pays, avait été limogé sans préavis : «Cette fable, je l’ai écrite en 1999, et c’est arrivé en 2008 !» triomphe-t-il.
Révolution des casseroles
2008, c’est le début du grand chamboulement dans la petite nation pacifique qui ne s’est jamais dotée d’une armée, et qui ne s’est jamais soulevée. En septembre de cette année-là, elle s’est retrouvée foudroyée par la crise des marchés mondiaux. A l’insu ou presque de ses habitants, le pays s’était transformé depuis une dizaine d’années en paradis du libéralisme, au point que les actifs de trois de ses banques (Landsbanki, Kaupthing et Glitnir) représentaient 800% du PIB islandais. C’est la Landsbanki qui a mis le feu à la banquise, avec Icesave, une banque en ligne qui promettait des taux d’intérêt mirobolants sur Internet, et faisait un carton au Royaume-Uni et aux Pays-Bas…
Jusqu’au jour où la crise a fait voler le dispositif en éclats, pr
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