Ce jour-là, Dimitris remplit un dossier de candidature pour répondre à une annonce. Assis sur un coin de table dans les locaux de l'OAED – l'équivalent grec de Pôle emploi–, il n'espère en réalité pas grand-chose. «Cela fait deux ans que je suis au chômage. C'est vraiment difficile, il n'y a pratiquement aucune offre…» Pendant les sept premiers mois, ce trentenaire, ancien employé dans la restauration, touchait 450 euros d'indemnités mensuelles. Puis, plus rien. «Pour survivre, j'élève une trentaine de poules dans mon jardin et je vends les œufs au noir. Mais je pense sérieusement à m'installer à la campagne et me reconvertir dans l'agriculture.»
Fuir, loin de la ville ou loin de la Grèce : telle est l'échappatoire que beaucoup envisagent désormais. D'autres se mobilisent… sans obtenir davantage gain de cause. Car le cas de Dimitris est loin d'être isolé: en un an, le taux de chômage a augmenté de 4 points, pour dépasser aujourd'hui 15%. Et d'après l'Institut du travail, le centre de recherches des centrales syndicales, il devrait atteindre 22% l'an prochain.
A la mairie d'Athènes, les plus précaires sont particulièrement exposés: ces trois dernières semaines, ils ont occupé nuit et jour les locaux de l'hôtel de ville pour réclamer leur titularisation. Au total, ils sont 2.500 à travailler sous la forme de CDD renouvelables, des contrats qui imposent en outre au salarié de prendre à son compte les charges sociales – phénomène largement répandu dans la fonction publique grecque. Ainsi Georgia, 48 ans, employée des jardins municipaux, touche seulement 630 euros par mois une fois déduits impôts et cotisations sociales. «Cela fait sept ans que je travaille ainsi. On fait exactement le même travail que les salariés permanents. Mais on ne peut pas s'en sortir si on a une famille sur les bras !», s'exclame cette mère de deux étudiants qui dénonce, avec le Mémorandum, une «excellente méthode pour appauvrir les foyers déjà modestes».
Le Mémorandum, signé il y a bientôt un an par le gouvernement grec avec la Commission européenne, la BCE et le FMI (la «Troïka»), a imposé, en échange d'un prêt de 110 milliards d'euros, de vastes économies dans le secteur public. Les contractuels, embauchés à tour de bras sous les gouvernements précédents, sont donc sur la sellette. Mais pas seulement. Les entreprises publiques aussi doivent subir restructurations, licenciements… et privatisations: lors de leur dernière déclaration publique à Athènes, les représentants de la Troïka ont annoncé que l'Etat grec devait privatiser à hauteur de 50 milliards d'euros d'ici à 2015.
via www.mediapart.fr