L'ouverture du procès de Jacques Chirac (proche ou à plus forte raison reportée) mérite une réflexion qui va au-delà du cas particulier en s'interrogeant sur la tolérance dont ont longtemps bénéficié beaucoup d'acteurs politiques.
Certes, la situation a un caractère exceptionnel qui voit un ancien président de la République assigné en justice pour des faits d'apparence dérisoire par rapport à la prestigieuse fonction qu'il a occupée.
« Procès d'épicier »
Certains s'interrogent sur l'opportunité d'une telle mise en jugement et parlent de « procès d'épicier ». Et l'on peut parier qu'ils seront de plus en plus nombreux à se faire entendre dans les prochaines semaines.
- En effet, n'y a-t-il pas eu amnistie temporelle ? Le délai est très long (plus de quinze ans) entre les transgressions supposées et le procès en cours.
- Ce dernier ne fait-il pas double emploi ? Des collaborateurs de l'ancien maire et président du RPR ont déjà été jugés, et certains condamnés (dont Alain Juppé et Michel Roussin).
La justice a sanctionné des cumuls de fonction qui permettaient à des responsables des finances de la ville de Paris d'en devenir les bénéficiaires en tant que dirigeants d'un parti qui bénéficiait d'emplois rémunérés par les fonds municipaux.
- Enfin, ce procès sera-t-il compris ? L'accusé bénéficie toujours d'opinions favorables, surtout depuis qu'il n'exerce plus de responsabilité politique. Il conserve aussi l'appui d'un vaste réseau « d'amis » dont la capacité d'influence est aujourd'hui concentrée sur la banalisation de ce « regrettable accident de fin de carrière ».
Alors, ce procès est-il inutile ? Pire, dégrade-t-il le fonctionnement de la démocratie par un mélange de rigorisme moral et d'intransigeance juridique ? Les défenseurs de cette thèse sortent peu à peu du bois.
Il faut se réjouir de voir ce dossier avancer vers son terme
Que leur répondre ? Tout d'abord, malgré les déboires que connaît depuis des années l'institution judiciaire, il faut se réjouir de voir un dossier aussi complexe techniquement et surchargé politiquement avancer vers son terme.
Les manoeuvres dilatoires n'ont pas manqué et d'autres sont encore possibles. Jusqu'à ce dédommagement accepté par le conseil municipal de Paris en septembre en échange du retrait de la plainte initiale. Le procès va s'ouvrir sans partie plaignante. L'association Anticor a pris le relais, mais l'impact ne sera pas le même. La défense de Jacques Chirac s'attache aussi à multiplier les demandes de report et il est question que soient soulevées des questions prioritaires de constitutionnalité qui peuvent renvoyer les audiences à de lointaines calendes.
Ensuite, ce procès serait l'occasion d'évaluer la façon dont les acteurs politiques sont, ou non, capables d'assumer leur responsabilité de dirigeant. Dans le cas présent ces dernières sont doubles : celle d'un maire responsable de l'usage des impôts de ses concitoyens, et celle du président d'un parti responsable des ressources et des façons d'agir de son organisation.
Or, l'observation montre souvent que si les acteurs politiques peuvent reconnaître des erreurs, ils refusent
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