Le Conseil constitutionnel a décidé, jeudi 9 août, que l’adoption par la France du « Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l’Union économique et monétaire » ne nécessite pas de réforme de la Constitution, et donc de référendum. Le simple rappel de l’intitulé de ce TSCG, traité élaboré de concert par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, montre l’enjeu historique de cette décision, plus politicienne que juridique. Face à la crise qui la mine, l’Europe nécessite un débat public. L’éviter, c’est lui rendre le pire service et, de ce déni de démocratie, l’idéal européen sera la première victime. Parti pris.
Curieuse façon, entre amnésie et aveuglement, de marquer le cinquième anniversaire de la crise financière qui, aujourd’hui encore, sape les fondations des économies européennes. C’est en effet le 9 août 2007 qu’a publiquement commencé, pour la France, la crise avec la décision de la banque BNP Paribas de suspendre la valorisation de trois de ses fonds spéculatifs adossés aux « subprimes » américains. Cinq ans après, le Conseil constitutionnel continue de raisonner hors de toute expérience vécue, comme si l’événement, son ampleur et sa durée, ses surprises et ses révélations, n’avait rien enseigné à ses membres sur les conséquences désastreuses d’une dépossession démocratique du débat économique.
Non seulement ils n’ont rien appris du présent, mais ils oublient le passé. Se souviennent-ils que la République française, dont ils devraient être les gardiens, est née d’une crise des finances publiques ? Et de la décision volontaire des représentants du Tiers Etat d’imposer la politique, ses libres délibération et élaboration, en lieu et place d’une prétendue technique confiscatoire du bien commun, au profit d’un ordre injuste ? Rappelé aux affaires par Louis XVI en 1788, le financier Jacques Necker (1732-1804) est alors le représentant de cette lignée sans fin d’experts qui savent toujours mieux que le peuple ce qui est bon pour lui.
Necker est en somme le « Monsieur Tina » de l’époque (« There Is No Alternative »). Aux Etats généraux exceptionnellement convoqués pour résoudre la crise financière d’un royaume surendetté – ils n’avaient plus été réunis depuis 1614 –, ce banquier et spéculateur professionnel se contente de dire : « Faites moi confiance ! ». « Lui seul, Necker, par quelques habiles combinaisons, suffirait à rétablir l’équilibre », résume Jean Jaurès (1859-1914) dans son Histoire socialiste de la Révolution française alors qu’il pouvait, souligne-t-il, « proclamer son impuissance à équilibrer le budget tant que le contrôle de la Nation elle-même ne réprimerait point les abus ».
C’est donc ce que fit à sa place le Tiers Etat, ouvrant ainsi le premier acte de la pièce révolutionnaire qui conduisit à l’établissement en 1792 de la Première République. Ce fut le 17 juin 1789, jour où les représentants du Tiers Etat, rejoints par quelques curés, se proclamèrent « Assemblée nationale ». Mais ce qui est trop souvent passé sous silence, c’est le premier geste concret de cette assemblée autoproclamée : il concerne le budget de la Nation, ses recettes (les impôts) et ses déficits (la dette). A peine s’était-elle déclarée seule à même « d’interpréter et de présenter la volonté générale de la nation » que l’Assemblée nationale adoptait un « Décret pour autoriser la perception des impôts et le paiement de la dette publique », dans lequel elle affirme sa totale souveraineté en ce
via www.mediapart.fr