Sur la route rocailleuse qui mène à l’une des écoles du village de Surobi, dans le district du même nom situé à l’est de Kaboul, de maigres ombres azurées flottent dans l’air. Leur petite taille laisse imaginer que, derrière ces éphémères silhouettes bleutées, se cachent de jeunes Afghanes. Vision matinale presque irréelle. Le silence règne en maître. A l’entrée de l’école, à quelques centaines de mètres des jeunes filles, un homme coiffé d’un pakol beige qui rappelle le commandant Massoud attend patiemment. C’est Aziz Rahman, un Afghan originaire de la région. Cet homme de 40 ans est connu, on ne le présente plus. Longtemps, il a dû vivre en regardant derrière lui, mettant en danger sa vie et parfois celle de sa famille et de ceux qui le côtoyaient. Son crime ? Respecter les femmes. Il est persuadé qu’aujourd’hui, en Afghanistan, «s’il n’y a pas de femmes, les hommes ne peuvent faire évoluer la société».
C’est pourquoi en 2002, un an après la chute du régime taliban, Aziz décide d’ouvrir une école gratuite pour les jeunes Afghanes dans le district de Surobi, zone pacifiée et sécurisée depuis quelques années seulement. Pour celles qui n’ont pas le droit de sortir de chez elles sans être accompagnées d’un mahram (parent masculin), de travailler ou de rire. Pourtant, dans l’enceinte de l’école, sorte de forteresse délabrée, les éclats de rire, nombreux, résonnent.
Elles sont 1 684 jeunes femmes réparties dans différentes classes. «Les filles ont entre 7 et 18 ans. Parfois, elles-mêmes ne connaissent pas leur âge. Pour certaines d’entre elles, il m’a fallu beaucoup de temps pour persuader leur père qu’il était nécessaire de les scolariser, souligne doucement Aziz. Il faut prouver aux Afghans que la femme peut être l’égale de l’homme, qu’elle n’est pas un chien ni un objet. Elles ont le droit aux mêmes choses, à l’éducation, à une formation, à la religion et à la culture.»
Les deux premières années furent difficiles. Les leçons étaient dispensées sous des tentes. Plusieurs fois, les talibans se sont attaqués à l’école des filles. Ils ont brûlé et pillé les lieux, et parfois même installé des explosifs. Aziz confie que, certaines nuits, accompagné de jeunes enseignantes de l’école, il montait lui-même la garde, armé d’un fusil.
Dans cette enceinte sacrée peu commune dans les campagnes en Afghanistan, aucun homme n’a le droit de pénétrer. Sauf un : Aziz, véritable sentinelle de ce repaire. Et pour cause, une fois en classe, face à leurs enseignantes, les jeunes filles ont le droit de quitter leur burqa. A la place, toutes portent l’uniforme de l’école, une large robe de couleur blanche et un voile pâle qui recouvre leurs cheveux.
Enveloppé dans sa tenue traditionnelle, Aziz veille sur ses protégées. «J’ai lancé une campagne dans la région pour faire prendre conscience aux partisans des insurgés qu’il fallait avant tout penser à l’éducation et au développement de l’Afghanistan.» Son engagement auprès des femmes afghanes est une vocation. Il reverse une partie de son salaire mensuel pour le développement de l’école. Il en est certain, l’école aidera les Afghans à reconstruire leur pays. Lui-même a étudié au Surobi, puis il a eu l’occasion de partir à Kaboul pour intégrer une école d’ingénieurs. Le bonheur fut de courte durée. Même en tant qu’homme, le droit d’étudier lui a été enlevé. «En 1998, la guerre a éclaté et les talibans ont pris le pouvoir. J’ai fui le régime pour partir en Iran neuf mois, période pendant laquelle j’ai travaillé dans la construction.»
Aujourd’hui, Aziz est une
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