Plus la crise européenne s'intensifie, et plus il se renforce, sûr de son fait, sourd aux critiques, incapable de se remettre en question. Lundi à Paris, le couple franco-allemand a fait une nouvelle démonstration de son éclatante autorité. Il lui a suffi d'une conférence de presse pour pré-empter le Conseil européen tout entier, censé formuler, jeudi et vendredi à Bruxelles, une solution définitive à la crise de l'euro. Les 27 y débattront d'une réforme des traités européens, vers davantage de discipline budgétaire, parce qu'Angela Merkel en a décidé ainsi.
«Le contenu, ce sont uniquement les positions allemandes. Mais la forme est celle d'un diktat franco-allemand», décrypte Pascal Canfin, un eurodéputé français issu du groupe Verts. «C'est l'exemple type de l'impasse d'une politique inter-gouvernementale». Si l'on en croit l'une des dernières caricatures de l'hebdo The Economist, ce directoire ressemble désormais à un side-car, où Angela Merkel tiendrait le volant, et Nicolas Sarkozy se contenterait de regarder défiler le paysage.
Sur le fond, le «duumvirat» prône des réunions plus fréquentes des dirigeants de la zone euro (une fois par mois, contre une fois tous les six mois auparavant) et promet des sanctions automatiques pour les mauvais élèves qui ne respecteraient pas les critères de Maastricht. La Cour européenne de justice pourrait quant à elle vérifier que chacun des pays respectera bien la «règle d'or», inscrite au préalable dans sa constitution. Le scénario d'une Europe «multi-vitesses» face à la crise n'est plus exclu: si certains Etats «ne peuvent ou ne veulent pas suivre», la réforme des traités ne les concernera pas, ont confirmé les deux dirigeants (lire notre article sur l'Europe à plusieurs vitesses).
D'après le calendrier dévoilé par Nicolas Sarkozy, le contenu du traité serait fixé en mars. La ratification du texte serait, elle, repoussée à l'après-législatives françaises, c'est-à-dire, au plus tôt, à l'été 2012. Les Etats membres devraient se prononcer, dès le Conseil européen de la fin de semaine, pour dire s'ils sont partants, ou pas, pour s'engager dans ce processus.
Sauf surprise, la Grande-Bretagne et la république tchèque refuseront l'offre (Cameron l'a d'ailleurs redit lundi soir). L'affaire s'annonce explosive, surtout s'il fallait, en pleine crise, mettre sur pied une nouvelle convention, pour écrire le traité. Paris s'est longtemps montré réfractaire à l'idée de réformer, une nouvelle fois, les traités – étant donné le difficile précédent du référendum de 2005 sur le traité constitutionnel en France. Mais Nicolas Sarkozy a finalement cédé, avec l'espoir d'obtenir, en échange, des avancées sur l'interventionnisme de la Banque centrale européenne (BCE), ou sur les euro-obligations. Mais rien de ce que plaide Paris n'a semble-t-il trouvé grâce aux yeux des Allemands. Pas un mot, ce lundi, sur la BCE, tandis qu'Angela Merkel a de nouveau exprimé tout le mal qu'elle pensait de l'émission d'une dette européenne.
via www.mediapart.fr