Laurence
Machuel-Xuereb a 45 ans. Elle est employée («précaire», précise-t-elle)
dans une association de l'Essonne qui travaille auprès des chômeurs de
longue durée. Conseillère municipale UMP à Fresnes (Val-de-Marne), elle s'est engagée
en politique en 2007, séduite par le discours sur le travail de Nicolas
Sarkozy. Elle a été candidate sur la liste de Valérie Pécresse aux
régionales de 2010 dans le Val-de-Marne, s'est investie dans le parti auprès des
nouveaux adhérents. Elle raconte son quotidien auprès des chômeurs. «Je n'ai pas envie d'être assimilée à ce genre de parole», dit-elle aujourd'hui après les déclarations du ministre Laurent Wauquiez.![]()
Vous vous dites «écœurée» par les déclarations de Laurent Wauquiez?
On pointe du doigt des gens qui n'ont absolument pas choisi d'être au RSA. Il ne s'agit pas de faire de l'angélisme: évidemment, dans tout système, il y a des gens qui «profitent». Mais la majorité des gens que je vois sur le terrain et qui sont aux minima sociaux sont dans une situation extrêmement difficile de survie. Ils sont vraiment désespérés. Certains n'ont plus de logement, on doit même se battre au quotidien pour leur trouver de quoi manger.
Quand on pointe ces gens-là en disant qu'ils doivent travailler en échange de ce que la société leur donne, ça m'agace. Ça ne correspond pas aux valeurs pour lesquelles je me suis engagée à l'UMP. Je trouve ça insupportable. Et ça m'énerve encore plus de voir M. Wauquiez réitérer ses propos, en affirmant qu'il dit ce qu'on pense tout bas. Non: tous les gens à l'UMP ne pensent pas ça tout bas, et ils n'ont pas envie que quelqu'un le dise tout haut. Je me sens flouée.
Pourquoi?Je ne veux pas que les gens se disent «Cette fille, elle est de l'UMP donc elle pointe du doigt les pauvres.» Je suis issue d'un milieu modeste. J'ai toujours travaillé. Je n'ai pas envie d'être assimilée à ce genre de parole. Par contre, mon rêve serait de voir M. Wauquiez avec moi, dans mon association: qu'il vienne rencontrer les gens que je rencontre à longueur de journée. Je lui lance une invitation solennelle!
Il verra quoi, s'il vient visiter l'association où vous travaillez?Il verra des personnes qui ne croient plus en rien. Des gens qui sont passés par toutes les formations, ont fait tous les stages proposés par Pôle emploi. Ils sont découragés, usés, fatigués. Tout le monde sait que, pour décrocher un poste, il faut avoir la pêche, présenter correctement, être persuasif. Quand votre quotidien, c'est la survie, vous êtes usés, vous n'avez plus la pêche, vous présentez de moins en moins bien… Ces gens se sentent mis en marge. Ils ne sont pas «profiteurs», ils veulent récupérer leur dignité. Or on est digne quand on est sur ses deux pieds et capable de gagner sa vie.
Les coupables ne sont pas les plus pauvres, car bien des entreprises ne jouent pas le jeu. Je cherche des stages non rémunérés pour les chômeurs de longue durée: les entreprises les refusent! Alors d'ici à leur proposer un emploi… Sans parler des abus sur les contrats aidés: on renouvelle les gens pendant 24 mois, et puis on les fait partir même s'ils sont compétents pour reprendre d'autres contrats aidés. Les contrats aidés, c'est très bien, mais en laissant faire ce genre de choses l'Etat contribue à précariser ceux qui en sont bénéficiaires.
via www.mediapart.fr