Même si « la violence systématique est présente partout dans le monde, en Afrique du Sud, elle est en lien avec la violence de l'Histoire », constate le photographe Mikhael Subotzky. Des années de lutte anti-apartheid ont habitué la population à des images de guerre civile, aux armes circulant dans les townships pour favoriser leur soulèvement… Depuis, pauvreté, illettrisme, drogue sont autant de facteurs qui accroissent l'insécurité. Et pendant que la minorité blanche vit dans l'inquiétude, s'entoure de hauts murs de protection ou choisit l'exil, plus de 60 % de la population noire vit sous le seuil de pauvreté. Regards de deux photographes :
Pour voir le film en plein écran, cliquer sur le rectangle en bas à droiteDavid Goldblatt. Série Ex-offenders, portraits d'anciens prisonniers pris à la chambre. David Goldblatt a commencé à photographier en couleurs à la fin de l'apartheid. Aujourd'hui, ces clichés sont en noir et blanc. Est-ce parce que sur l'avenir de la société sud-africaine, face à la violence qui gangrène désormais tout le pays, le photographe est très pessimiste ? « Même nos valeurs sont corrompues », dit-il. Pour comprendre la violence, il a voulu savoir « qui sont ces criminels ? ». Il a donc contacté des condamnés à leur sortie de prison, les a écoutés raconter leur histoire et leur a proposé de venir poser sur les lieux de leur crime. Noirs ou Blancs, les destins se suivent et se ressemblent : famille décomposée, pauvreté, chômage…
Lire aussi ici, sur le site de la galerie sud-africaine Goodman.Mikhael Subotzky. Livre Beaufort West and Other Works (publié en 2008, tirage épuisé). « En Afrique du Sud, tout est défini par des frontières », explique le photographe. Ce pays est devenu « une société d’incarcération de masse : depuis 1994, les prisons comptent 50 % de prisonniers en plus ! Je vois presque ça comme une nouvelle forme d'apartheid, entre ceux qui font peur et ceux qui ont peur. » Les photos de Mikhael Subotzky pénètrent l’intimité des laissés-pour-compte de l’ère post-apartheid. Avec deux gestes forts : travailler l'instabilité de l'image pour « obliger le spectateur à s'adapter » et briser le sous-verre de ses photographies « pour amener la violence à la surface ».
Lire aussi ici, sur le site de Mikhael Subotzky, l'histoire de ce projet.
via www.mediapart.fr