La lutte des classes fait son retour dans le cinéma français | Rue89

Dans « Avant l'aube », le meilleur film français depuis le début de l'année (sortie le 2 mars), Raphaël Jacoulot met en scène un thriller tordu qui est aussi une histoire intime et un film social rageur.

Un cas isolé ? Pas sûr. Dans les prochaines semaines, plusieurs fictions (dont « Ma part du gâteau », de Cédric Klapisch) remettent au goût du jour la lutte des classes. Se passerait-il quelque chose dans le cinéma français ? L'inévitable cérémonie des César, vendredi soir, comptait ainsi parmi ses concurrents une poignée de comédies prouvant que l'on pouvait rire avec des choses politiques très sérieuses (« Le Nom des gens », « Mammuth »).

« Avant l'aube » : récit d'une exclusion au sommet

Ça se passe au pays de France, quelque part dans les Pyrénées. Jacques Couvreur, a priori incarnation du charme discret de la bourgeoisie provinciale, gère un grand hôtel perdu dans la montagne.

Le boss a réussi dans la vie, comme on dit. Il peut même se permettre de s'adonner à ses bonnes œuvres, par exemple en engageant comme apprentis des « sauvageons » de la vallée, contraints de trimer comme des bêtes pour gagner quelques euros et un (petit) bout de respectabilité sociale.

Un de ces garçons se nomme Frédéric. Mal à l'aise, le regard fixe et la parole économe, il arpente les couloirs du luxueux hôtel en sentant confusément qu'il ne fera jamais partie des meubles.

En apparence, tout sépare Couvreur de Frédéric. Oui, mais voilà : un jour Frédéric voit quelque chose qu'il n'aurait pas dû voir. Un client disparaît, puis est retrouvé mort. Couvreur est impliqué dans l'embrouille. Et il sait que Frédéric a vu.

Début d'une relation trouble entre le bourgeois « impeccable » et le prolo « incontrôlable », le film se chargeant de déchiqueter ces étiquettes trop prévisibles. (Voir la bande-annonce)


Il y a quelques années, Raphaël Jacoulot avait signé un premier essai passé injustement inaperçu (« Barrage »). Pour son second film, il frôle le coup de maître.

Entre polar tordu (une femme-flic improbable farfouille dans les coulisses de l'hôtel), radiographie psychologique subtile (zones d'ombre sur tous les personnages) et fiction politique (mais où est donc bloqué l'ascenseur social ? ), « Avant l'aube » trace plusieurs pistes et les emprunte toutes avec une singulière intelligence.

L'essentiel repose sur la relation trouble entre les deux personnages masculins, incarnés par Jean-Pierre Bacri et Vincent Rottiers, tous deux très convaincants.

Une histoire qui regarde l'époque dans le blanc des yeux

Leur lien mystérieux ne concerne pas que l'enquête policière, « pur » prétexte pour parler d'autre chose. Par exemple de l'intériorité mal-en-point de Couvreur, vaguement dégoûté par lui-même et par son existence morose. Par exemple de la dangereuse métamorphose du jeune prolo, qui trouve ses aises dans le grand-hôtel, où, vu les circonstances, le patronat le traite désormais avec

via www.rue89.com

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