La fièvre révolutionnaire des Tunisiens n’est pas retombée | Rue89

Il tient un paquet de Marlboro entre ses paumes. « Tu vois, il avait mon destin entre ses mains. » Il écrase le paquet. « Ben Ali aurait pu faire la même chose avec ma vie. » Et ses cigarettes, il les vend dans la rue désormais, sans crainte.

Le commerce de Mahir est l'une des manifestations les plus visibles du changement dans les rues de Tunis. Comme une cinquantaine d'autres vendeurs ambulants, il promène sa marchandise dans la capitale sans plus jamais se la faire confisquer par la police. Jusque-là relégués au souk Sidi Boumendil, les « nasbas » s'étendent désormais avenue Bourguiba, avenue de France, place de Barcelone…

L'itinéraire de Mahir rappelle celui de Mohamed Bouazizi, le martyr de la révolution tunisienne, mais ce natif de Kairouane décline la comparaison. Mahir, comme le vendeur de légumes de Sidi Bouzid, n'avait peut-être pas de travail mais il n'aurait jamais pu s'immoler, « il faut bien du courage pour faire ce que Mohamed Bouazizi a fait », dit-il, et lui, du courage, il n'en avait pas.

France, Etats-Unis… les amis de Ben Ali croqués

Plus loin, sur l'avenue Bourguiba, Mohamed, trente, peut-être quarante années de plus que Mahir. Il a troqué sa « brouette de légumes » sans cesse confisquée contre un stylo Bic à encre bleue.

Accroupi contre un arbre, il dessine un tank. Avec des photos de Ben Ali découpées dans les journaux, il crée des collages féroces contre l'ancien régime qu'il expose sur le trottoir. Régulièrement, une petite assemblée s'arrête pour le regarder faire et commenter les caricatures.

Dessin et collage de Mohamed sur Ben Ali (Zineb Dryef/Rue89).

L'une d'elles représente un hydre dont trois têtes sont triomphantes. Sous les photos du Ben Ali souriant, Mohamed a inscrit le nom des pays amis de l'ancien dictateur : France, Arabie saoudite et Etats-Unis. Sous la tête sanguinolente, il a écrit « Tunisie ».

Dessin et collage de Mohamed sur Ben Ali (Zineb Dryef/Rue89).

En vitrine, le « Guide du routard » et autres livres jadis interdits

Devant les librairies, la foule se presse pour contempler ces livres interdits, désormais en vitrine. Avant la révolution, la libraire Al Kitab (« le livre ») commandait tous les titres, y compris ceux que le pouvoir censurait – « La Régente de Carthage » de Nicolas Beau et Catherine Graciet, « Le Guide du routard », « L'Etat du monde »… Selma Jabbès, libraire, raconte :

« On n'a jamais pratiqué l'autocensure mais on savait qu'on ne recevrait pas ces livres. La procédure était longue. Il fallait envoyer une liste au ministère de l'Intérieur. Une fois qu'ils l'avaient étudiée, ils lisaient certains livres. Tout cela prenait un temps fou et beaucoup de titres n'entraient pas en Tunisie.

Le 12 janvier, on a fermé la librairie en signe de deuil. Après le départ de Ben Ali, on a pris la décision de rassembler tous les livres interdits puis on a fait signer une pétition le 21 janvier. Le lendemain, la levée de la censure sur les livres a été annoncée à la télévision ! Quel plaisir de voir autant de monde devant la lib

via www.rue89.com

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